Voici un petit condensé des dispositions/mécaniques de l’ordonnance ratifiées telles quelles.

A. Droit commun des contrats

La sanction de la rétractation de promesse

Alors que la Cour de cassation jugeait que la rétractation d’une promesse unilatérale ne pouvait ouvrir droit qu’à des dommages et intérêts (Civ.3, 16 juin 2015, n°14-14.758), le nouvel article 1124§2 prévoit qu’elle n’empêche plus la formation du contrat.

La création d’une obligation d’information générale

L’une des grands innovation a été la création de l’article 1112-1, prévoyant un devoir d’information général : « Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. » Si beaucoup estiment que cette obligation ne fait que consacrer la jurisprudence, nous montrerons qu’une telle allégation est très discutable.

La disparition de la cause

La cause était une des notions fondamentales du droit des contrats. Il s’agissait d’une condition de formation des contrats : elle devait exister et être licite. Si elle disparaissait en cours d’exécution, le contrat pouvait être frappé de caducité. Il y avait également d’autres raffinements, comme l’absence de cause partielle.

Elle a maintenant disparu du code civil. Ses principales mécaniques ont toutefois été largement remplacées par des dispositions spécifiques : la licéité du but du contrat (Art.1162), l’exigence d’une contrepartie réelle dans un contrat onéreux (Art.1169) ou la disparition d’un élément essentiel du contrat (Art.1186).

Comme nous le verrons, on peut douter que cela permette la continuation de toutes les solutions fondées sur la cause.

L’effet des conditions suspensives

Une obligation subordonnée à la survenance d’une condition « devient pure et simple à compter de l’accomplissement de la condition suspensive » (Art.1304-6), alors qu’avant c’était rétroactif.

La question de la définition du prix

La Cour de cassation juge classiquement que la détermination du prix n’est pas une condition de validité du contrat (Plén., 1er décembre 1995, n°91-15.999, 91-19.653, 91-15.578 et 93-13.688). L’ordonnance ne l’a pas infirmé directement, toutefois elle a créé deux articles admettant expressément que le prix puisse être défini par le créancier pour seulement deux types de contrats : les contrats cadres (Art.1164) ou de prestation de service (Art.1165). On peut se demander si, a contrario, ce serait impossible dans d’autres types de contrats, ce qui limiterait fortement la portée de la solution classique de la Cour de cassation.

De nouvelles sanctions contractuelles

L’ordonnance a introduit deux nouvelles sanctions. D’une part, l’exception d’inexécution par anticipation (Art.1220) et d’autre part la réduction du prix (Art.1223). Elle a également unifié le régime des différentes types de résolution (Art.1224 et s. ; D.2016.434).

La révision pour imprévision

La Cour de cassation refusait depuis l’arrêt Canal de Craponne de 1876 de modifier le contrat en cas de changement de circonstances, furent-elles radicales et rendant l’engagement absurde.

L’ordonnance change cela avec l’article 1195, qui donne non seulement la possibilité pour le juge de mettre fin au contrat, mais aussi de le « réviser », rendant totalement obsolète l’arrêt classique sus-mentionné. Évidemment, les conditions sont étroites.

Si cet article a été âprement contesté lors des débats parlementaires, la loi de ratification n’y prévoit qu’une petite limitation. Elle en exclut certaines opérations sur des titres et contrats financiers avec l’article L. 211-40-1 du code monétaire et financier.

B. Quasi-contrats

Enrichissement injustifié : effet de la faute de l’appauvri

Le nouvel article 1303-2 dispose que « L’indemnisation peut être modérée par le juge si l’appauvrissement procède d’une faute de l’appauvri. » Il revient ainsi sur les solutions des chambres civiles et commerciales qui estimaient soit que cette action n’était pas ouverte si l’appauvrissement résultait d’une faute de l’appauvri (simple pour la ch.commerciale et lourde pour la 1ère ch. Civile).

Enrichissement injustifié : date des estimations

L’article 1303-4 prévoit que « L’appauvrissement constaté au jour de la dépense, et l’enrichissement tel qu’il subsiste au jour de la demande, sont évalués au jour du jugement. »

La solution est contraire à la jurisprudence antérieure, qui évaluait l’enrichissement (Civ.1, 13 novembre 2014, n°13-20.442) et l’appauvrissement (Civ.3, 18 mai 1982, n°80-10.299) aux dates auxquelles ils étaient constatés. (Yildirim, AJ Famille 2016.472)

Gestion d’affaire : engagements pris

Avant la réforme, le maître de l’affaire devait « remplir les engagements que le gérant a contractés en son nom » et « l’indemniser de tous les engagements personnels qu’il a pris » (Art. 1375 anc.).

Il en résultait notamment que le maître n’était pas tenu de remplir les engagements pris par le gérant si ce dernier agissait en son nom propre, même si ces engagements étaient pris dans l’intérêt du maître de l’affaire (Malaurie et al., p.605). Cette solution est contredite par le nouvel article 1301-2§1 :

Celui dont l’affaire a été utilement gérée doit remplir les engagements contractés dans son intérêt par le gérant.

C. Régime général des obligations

Cession de créances et subrogation : l’alignement des formalités

Avant l’ordonnance, la cession de créance devait être signifiée1 au débiteur pour lui être opposable. Au contraire, la subrogation ne supposait «aucune formalité particulière pour l’opposabilité de la subrogation personnelle au débiteur cédé »2. Maintenant les deux lui sont opposables dès lors que l’opération lui a été notifiée ou qu’il en a pris acte. (Art.1324 et 1346-5 §1-2)

L’extension de la subrogation

La subrogation était un régime seulement applicable dans certains cas définis. La réforme en a fait un principe général (Art.1346).

La restitution de la jouissance du bien

Alors que c’était exclu par la jurisprudence (Mixte, 09 septembre 2004, n°02-16.302), les contrats de locations faisant exception (Mixte, 9 novembre 2007, n°06-19.508), la restitution inclut « la valeur de la jouissance que la chose a procurée. » (Art. 1352-3)

Les « actions interrogatoires »

Plusieurs dispositifs permettent de donner un sens à l’absence de réponse à certaines questions. Ainsi :

  • du tiers à un pacte de préférence demandant « par écrit au bénéficiaire de confirmer dans un délai qu’il fixe et qui doit être raisonnable, l’existence d’un pacte de préférence et s’il entend s’en prévaloir. » (Art.1123 al.3-4)
  • du contractant doutant de l’étendue du pouvoir du représentant conventionnel à l’occasion d’un acte qu’il s’apprête à conclure demandant « par écrit au représenté de lui confirmer que le représentant est habilité à conclure cet acte. » (Art.1158)
  • d’une partie à un contrat demandant « par écrit à celle qui pourrait se prévaloir de la nullité soit de confirmer le contrat soit d’agir en nullité dans un délai de six mois à peine de forclusion. » (Art.1183)

Ces dispositifs sont efficaces même s’ils concernent des contrats conclus antérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance. Nous les détaillerons dans les parties qu’ils concernent.

Notez que l’emploi du terme « action » est discutable, ce dernier étant un terme de procédure civile spécifique qui désigne en gros le droit « d’être entendu par son juge »3. A.Aynes parle ainsi « d’interpellations interrogatoires » (D.2016.434) et B.Mallet-Bricout de « demande interpellative (ou interpellation préventive) » (RTD Civ., 2016.463). Toutefois, le rapport au Président de la République ainsi que de nombreux commentateurs ont conservé le terme d’action. J’ai donc estimé plus pertinent de le reprendre.

1 La signification correspond en gros à un acte d’huissier.

2 E.Savaux, Répertoire Dalloz, Subrogation personnelle, §180

3 Strickler Y., Procédure civile, éd. Bruylant, Bruxelles, Coll. « Paradigme », 2017, p.101