Le législateur a créé un régime de responsabilité avec la loi n°85-677 du 5 juillet 1985. Les modalités d’application de ce régime sont codifiées dans le code de la route aux articles L. 122-1 et suivants.
Il s’agit d’un régime spécial s’appliquant, « même lorsqu’elles sont transportées en vertu d’un contrat, aux victimes d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l’exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres » (Art.1 de la loi de 1985).
Il est admis que « le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur, dont il est aussi le gardien, victime d’un accident de la circulation, ne saurait invoquer cette loi lorsque seul son véhicule est impliqué dans l’accident » (Civ.2, 7 décembre 2006, n°03-19.924).
Pour que le présent régime soit applicable, il faut un véhicule terrestre à moteur (VTM) impliqué dans un accident de la circulation.
Un véhicule terrestre à moteur (VTM) …
Au-delà des simples automobiles, motos ou camions, il y a des centaines de types d’engins terrestres à moteur : les engins agricoles (tracteur, moissonneuse batteuse1 …), les nacelles auto-portées (Crim., 15 janvier 2008, n°07-80.800), les chariots élévateurs (Civ.2, 25 mai 1994, n°92-19.455) …
Globalement, il s’agit de tous les engins disposant d’un moteur destiné au déplacement sauf les remorques ou semi-remorques, qui sont en principe assimilées aux VTM qui les tractent.
Les véhicules-jouets peuvent être considérés comme des VTM. Par exemple s’il « se déplaçait sur route au moyen d’un moteur à propulsion, avec faculté d’accélération, et ne pouvait être considérée comme un simple jouet » (Civ.2, 22 octobre 2015 n°14-13.994).
… impliqué …
La notion d’implication est très large. La Cour de cassation juge qu’« un véhicule terrestre à moteur est impliqué dans un accident de la circulation dès lors qu’il a joué un rôle quelconque dans sa réalisation » (Civ.2, 15 janvier 2015 n°13-27.448). Ex :
- Un camion de balayage de la voirie avait projeté des gravillons devant une maison. La propriétaire sortit pour les balayer, glissa dessus et se blessa. La Cour a jugé que le VTM était impliqué et qu’il s’agissait d’un accident de la circulation (Civ.2, 24 avril 2003 n°01-13.017).
- Des véhicules endommagés par un incendie s’étant déclaré dans un parking souterrain étaient impliqués dans un accident de la circulation (Civ.3, 3 mars 2016, n°14-24.965).
- Un motocycliste se blessa en perdant le contrôle de son véhicule alors qu’il dépassait un tracteur. Le tracteur a été jugé être impliqué dans cet accident (Civ.2, 2 mars 2017, n°16-15.562).
- Au cours d’une opération de dépannage sur la bande d’arrêt d’urgence d’une autoroute, le dépanneur est percuté par un poids lourd.
Lors d’accidents en chaîne ou de carambolages (on parle alors d’accidents complexes), chaque victime peut poursuivre chaque conducteur.
… dans un accident …
Un accident est un événement fortuit, imprévu. Cela exclut les suicides et tous les actes intentionnels (ex : Civ.2, 12 décembre 2002, n°00-17.433). On retrouve la difficulté classique s’agissant des fautes intentionnelles : faut-il avoir voulu l’action ou bien, en plus, ses conséquences ?
Par exemple, si un conducteur tente de faire peur à un auto-stoppeur en roulant en sa direction, mais estime mal les distances et le percute ? Il n’aura pas voulu le blesser, mais il aura mis en place toutes les conditions pour. Le juge a été confronté à ce cas et a jugé qu’il ne s’agissait pas d’un accident au sens du présent régime (Crim., 6 février 1992, n°90-86.966).
Plus discutable, une conductrice de scooter tombant sous un bus en étant poussée par un passant ivre ne peut se prévaloir de la loi de 1985 contre le propriétaire du bus, la faute à l’origine du dommage étant intentionnelle (Civ.2, 11 décembre 2003, n°00-20.921).
D’après M-C Lambert-Piéri, la loi de 1985 est en général inapplicable lorsque « la faute volontaire a engendré un dommage qui n’était pas voulu, mais qui est la conséquence d’un dommage que l’auteur a recherché »2.
… de la circulation …
L’accident doit être relié à la circulation automobile. Cela n’exclut pas que le régime soit applicable à un accident se produisant à l’intérieur, dans un champ ou un parking. Ont par exemple été jugés en circulation une nacelle auto-portée dans un atelier (Crim. 15 janv. 2008, n°07-80.800), deux tracteurs manœuvrant dans la Cour d’une ferme (Civ.2, 5 juin 1991, n°90-12.314) et une voiture dans le cadre d’un tournage de film sur une voie fermée (Civ.2, 14 juin 2012, n°11-13.347, Taxi 2).
S’agissant des courses de véhicules, un arrêt du 4 janvier 2006 (Civ.2, n°04-14.841) a posé que « l’accident survenant entre des concurrents à l’entraînement évoluant sur un circuit fermé exclusivement dédié à l’activité sportive n’est pas un accident de la circulation ».
Le stationnement sur la voie publique est un fait de circulation (Civ.2, 22 novembre 1995, n°93-21.221). En intérieur, cela dépend de l’endroit. Si le VTM est dans un parking, il s’agit d’un accident de la circulation (Civ.3, 3 mars 2016, n°14-24.965), mais pas s’il est stationné dans un hall d’immeuble (Civ.2, 26 juin 2003, n°00-22.250).
Le cas des machines-outil est spécial. Si la cause de l’accident est totalement indépendante des fonctions motrices du véhicule, alors le présent régime n’est pas applicable.
Exemples :
- Un camion réfrigéré, stationné dans une zone de déchargement, prit feu suite à un dysfonctionnement de son tableau de bord. L’incendie se répandit à d’autres camions, puis au bâtiment lui-même. Le présent régime est appliqué au motif que l’incendie trouvait sa source dans un élément d’équipement « n’étant pas étranger à la fonction de déplacement du véhicule ». (Civ.2, 13 septembre 2012, n°11-13.139)
- Un chariot élévateur souleva une grume de bois pour que celle-ci soit mesurée, mais le bois tomba et blessa une personne. L’engin était alors entièrement immobile. La Cour jugea que le présent régime ne s’appliquait pas, car « l’accident était exclusivement en lien avec la fonction d’outil de soulèvement de charge du chariot élévateur et aucunement avec sa fonction de circulation ». (Civ.2, 18 mai 2017, n°16-18.421)
Sont exclus du régime tous les véhicules utilisant les voies ferrées (train, métros, funiculaires …). Qu’en est-il des intersections où les véhicules sur rail et sur roue peuvent se croiser ?
S’agissant des croisements train/voiture, la Cour de cassation juge qu’il ne s’agit pas d’accidents de la circulation (Civ.2, 17 novembre 2016 n°15-27.832).
S’agissant des croisements tramway/voiture, la Cour juge qu’« un tramway qui traverse un carrefour ouvert aux autres usagers de la route ne circule pas sur une voie qui lui est propre ». (Civ.2, 16 juin 2011 n°10-19.491)
1 Respectivement Civ.2 5 juin 1991, n°90-12.314 et Civ.2 10 mai 1991, n°90-11.377
2 Répertoire de droit civil Dalloz, « Régime des accidents de la circulation », §30