La notion de conducteur

La notion de conducteur est l’objet d’une casuistique assez complexe :

  • Un passager qui donne un coup de volant n’est pas conducteur (Civ.2, 23 mars 2017, n°15-25.585).
  • Un conducteur tombe en panne sur l’autoroute et se range sur la bande d’arrêt d’urgence les feux de détresse allumés. En attendant le dépanneur, il s’installe sur la banquette arrière. Une voiture le percute et le blesse gravement. La Cour a jugé que « la victime, qui avait quitté les commandes de son véhicule, dont elle n’a donc pas gardé la maîtrise, n’en était pas le conducteur » (Crim., 31 mai 2016, n°15-83.625).

Lors de carambolages, la qualité de conducteur perdure, même si la personne en question est projetée sur la route (Crim., 3 mai 2017, n°16-84.485). On parle « d’accidents complexes ».

La personne responsable

Le cas où le conducteur n’est pas le gardien

Lorsque le conducteur et le gardien sont distincts, la victime peut poursuivre l’un comme l’autre (Civ.2, 6 juin 2002, n°00-10.187). Vous voyez ici reparaître la notion de garde, que nous avons déjà vue dans la responsabilité du fait des choses. Il s’agit bien de la même notion.

Ainsi, le propriétaire est présumé avoir la garde de son véhicule. Même s’il passe le volant, il en reste le gardien s’il est dedans (Civ.2, 3 octobre 1990, n°89-16.113).

Le recours du propriétaire contre le conducteur est encadré par l’article 5 §2 de la loi du 5 juillet 1985 :

« Lorsque le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur n’en est pas le propriétaire, la faute de ce conducteur peut être opposée au propriétaire pour l’indemnisation des dommages causés à son véhicule. Le propriétaire dispose d’un recours contre le conducteur. »

La jurisprudence interprète ce texte au sens suivant :

  • seul ce recours est possible (Civ.2, 11 juin 2009, n°08-14.224)
  • cette responsabilité repose sur la faute du conducteur

Un régime autonome et exclusif … parmi d’autres

Le régime n’exonère pas les piétons et, si un piéton a causé un dommage à un conducteur, ce dernier peut évidemment lui demander indemnisation selon les règles ordinaires de la responsabilité délictuelle ou contractuelle (responsabilité pour faute Civ.2, 19 janvier 1994, n°92-15.897 ; 15 mars 2007, n°06-12.680 ; responsabilité des parents Civ.2, 19 février 1997, n°94-21.111).

Il n’impose pas non plus que la victime ne puisse poursuivre qu’un conducteur impliqué. La victime peut agir contre d’autres personnes. Il a par exemple été jugé qu’une écolière renversée par une voiture pouvait être indemnisée par l’État pour la faute de surveillance de son institutrice (Civ.2, 14 décembre 1987, n°86-16.885).

Le préposé conduisant un VTM est-il responsable des accidents de la route dans lesquels il est impliqué ? L’arrêt Costedoat (Plén., 25 février 2000, n°97-17.378) posait que le préposé agissant dans les limites de sa mission ne pouvait être gardien. Toutefois, avec le présent régime, il pourrait être responsable en tant que simple conducteur. C’est d’ailleurs en ce sens qu’a d’abord décidé la Cour de cassation (Civ.2, 6 mars 1991, n°89-15.697).

La Cour de cassation a ensuite étendu la solution de l’arrêt Costedoat à ce contentieux et décida que« n’est pas tenu à indemnisation à l’égard de la victime le préposé conducteur d’un véhicule de son commettant impliqué dans un accident de la circulation qui agit dans les limites de la mission qui lui a été impartie » (Civ.2, 28 mai 2009, n°08-13.310). Le juge laisse entendre que son commettant aurait été responsable.

Les recours entre coresponsables

Entre coresponsables, le principe a été clairement énoncé par la Cour de cassation (Civ.2, 1 juin 2011, n°10-20.036) : « Le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur impliqué dans un accident de la circulation et son assureur, qui a indemnisé les dommages causés à un tiers, ne peuvent exercer un recours contre un autre conducteur impliqué que sur le fondement » des articles 1240 (anc.1382) et 1346 (anc.1251)1 du code civil.

En somme, les règles de répartition de la charge finale sont les mêmes qu’en matière de solidarité In solidum :

  • si aucune faute n’a été commise, la charge est répartie également entre les responsables
  • si un seul d’entre eux est fautif, il supporte l’intégralité de la charge
  • si plusieurs sont fautifs, ils supportent l’intégralité de la charge à proportion de leurs fautes respectives

Civ.2, 11 décembre 2003, n°02-12.694 : Une camionnette (A), heurta une automobile (B) qui, déviée de sa trajectoire, percuta une automobile (C) arrivant en sens inverse2. L’assureur d’un conducteur indemnisa les victimes, puis se retourna contre un autre conducteur impliqué et son assureur.

La Cour de cassation a rappelé « que les dispositions des articles 1382 et 1251 du Code civil, seules applicables, permettent au conducteur d’un véhicule terrestre à moteur impliqué dans un accident de la circulation et condamné à réparer les dommages causés à un tiers d’exercer un recours contre d’autres conducteurs impliqués ; que la contribution à la dette a lieu en proportion des fautes respectives ; qu’en l’absence de faute prouvée à la charge des conducteurs impliqués, la contribution se fait entre eux à parts égales ». Elle a ensuite décidé qu’il n’y avait pas eu de faute et que 3 véhicules ayant été impliqués, le demandeur devait être indemnisé par le défendeur de 1/3 des indemnités qu’il avait dû payer aux victimes. Cela laissait à sa charge 2/3 des indemnités : il aurait également dû poursuivre l’autre conducteur.

1 Subrogation légale.

2 P.Jourdain, « Illustration des difficultés du partage d’indemnité entre codébiteurs d’indemnisation non fautifs », RTD civ. 2004. 306