La compensation peut être d’origine légale, conventionnelle ou judiciaire.

Les principes généraux

La compensation est « l’extinction simultanée d’obligations réciproques entre deux personnes » (Art.1347§1). La personne débitrice de l’une doit être créancière de l’autre et inversement.

Pour que deux créances soient réciproques, il faut qu’elles visent exactement les mêmes parties. Ainsi, dans un arrêt du 5 février 2013 (Com., n°12-12.808) ont été jugées non réciproques la créance d’une personne et la dette de son EARL (contre une même personne).

« Les créances insaisissables et les obligations de restitution d’un dépôt, d’un prêt à usage ou d’une chose dont le propriétaire a été injustement privé » (Art.1347-2) ne peuvent donner lieu à compensation, sauf si le créancier y consent.

Les différentes compensations

  1. La compensation légale

La compensation légale « s’opère, sous réserve d’être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies. »1 (Art.1347§2) Outre les règles générales (réciprocité, non-insaisissabilité), ses conditions sont que les créances soient fongibles, certaines, liquides et exigibles (Art.1347-1). La fongibilité suppose d’avoir « un objet interchangeable », comme des sommes d’argent ou des « choses de genre » (Fages, p.432)2. On ne peut pas compenser un sac de grains avec un sac de carottes.

Cette compensation rétroagit, même si elle doit être invoquée. C’est la principale différence entre la compensation légale et les deux autres : elle est rétroactive alors qu’en principe3 les autres non (la compensation judiciaire prend effet à partir du jugement et la conventionnelle à partir du contrat).

Toutefois, elle n’est pas de plein droit. Les parties peuvent tout à fait renoncer à la compensation légale après que ses conditions soient remplies et le paiement d’une des créances empêche sa compensation (vu qu’elle est éteinte).

Cette rétroactivité a notamment un effet sur la prescription : il est possible d’invoquer la compensation même si la créance est prescrite, tant qu’elle ne l’était pas au moment où les conditions de la compensation étaient réunies.

  1. La compensation judiciaire

La compensation judiciaire est définie par l’article 1348 : « La compensation peut être prononcée en justice, même si l’une des obligations, quoique certaine, n’est pas encore liquide ou exigible. À moins qu’il n’en soit décidé autrement, la compensation produit alors ses effets à la date de la décision. » Si les dettes sont connexes, le juge doit constater la compensation, indépendamment de la liquidité ou de l’exigibilité des créances (Art.1348-1). Dans cette hypothèse, « la compensation est réputée s’être produite au jour de l’exigibilité de la première d’entre elles. »

Selon Fages (p.435-436), cette connexité résulterait de deux conditions : que les dettes résultent d’un même « rapport de droit », contrat (Com., 27 janvier 2015, n°13-18656) ou ensemble contractuel (Com., 9 mai 1995, n°93-11.724)4 et qu’elles aient la même nature, refusant de compenser une créance d’origine contractuelle avec une autre d’origine délictuelle (Ex : Com., 18 décembre 2012 n°11-17.872).

  1. La compensation conventionnelle

La compensation conventionnelle est prévue par l’article 1348-2 : « Les parties peuvent librement convenir d’éteindre toutes obligations réciproques, présentes ou futures, par une compensation; celle-ci prend effet à la date de leur accord ou, s’il s’agit d’obligations futures, à celle de leur coexistence. »

Les effets

La compensation a pour effet d’éteindre les créances respectives. « S’il y a plusieurs dettes compensables, les règles d’imputation des paiements sont transposables. » (Art.1347-4)

La compensation s’opère « à due concurrence » (Art.1347§2), c’est-à-dire que, si les créances n’ont pas la même valeur, la créance la plus forte continuera d’exister diminuée de la valeur de l’autre créance. Notez que la compensation partielle interrompt la prescription de la créance restante (Com. 30 mars 2005, n° 04-10.407).

1 L’ancien article 1290 prévoyait en substance la même chose : «  La compensation s’opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l’insu des débiteurs; les deux dettes s’éteignent réciproquement, à l’instant où elles se trouvent exister à la fois, jusqu’à concurrence de leurs quotités respectives. »

2 Cela pose rarement problème. Si vous souhaitez creuser, voici quelques arrêts sur le thème :

3 La compensation judiciaire de dettes connexes est un cas particulier et s’opère au jour de l’exigibilité de la dette la plus ancienne.

4 Notez la similarité entre cette règle et celle qui préside à l’exception d’inexécution.