« Le criminel tient le civil en l’état »

Il arrive qu’une juridiction pénale et une juridiction civile statuent sur un même litige. La juridiction civile doit alors surseoir à son jugement « tant qu’il n’a pas été prononcé définitivement sur l’action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement. » (Art.4§2 CPP)

On dit que « le criminel tient le civil en l’état ».

Cette règle, combinée à l’autorité de la chose jugée fait que la solution du juge pénal s’impose au juge civil.

Cette autorité ne concerne que ce qui a fait l’objet du jugement (Art.1355). Il peut s’agir de la faute, du lien de causalité, etc.

La distinction entre faute civile et pénale

Si l’inculpé a été relaxé du délit, pourra-t-il être condamné au civil ? La réponse est clairement oui si la responsabilité recherchée n’est pas fondée sur la faute, mais, par exemple, sur la garde d’une chose, d’un enfant, l’implication dans un accident, etc. (Malaurie et al., p.140) Pour le régime de responsabilité pour faute, la solution est moins simple.

S’agissant des fautes non-intentionnelles, la réponse est clairement oui (Art.121-3 du code pénal ; Art. 4-1 du CPP). S’agissant des fautes intentionnelles, la solution varie au cas par cas. La faute civile est souvent définie plus largement que la faute pénale, la réponse est donc souvent oui.

Crim., 8 février 2017, n°16-81.194 : Une vieille femme avait été placée dans une maison de retraite par deux « amis » et leur acheta des produits et voitures de luxe. Des témoignages établissaient « l’emprise totale dont la partie civile était victime de la part de ces deux personnes, lesquelles avaient pleinement conscience de sa vulnérabilité, en raison de son isolement et de l’altération importante de ses facultés neuro-psychiques ».

L’infraction pénale n’a pas été retenue, mais la Cour d’appel indemnisa la victime sur le plan civil. Le pourvoi a été rejeté par la Cour de cassation, qui retint que sont caractérisés des agissements constitutifs d’une faute civile.

Civ.1, 6 avril 2016, n°15-12.881 : Une entreprise avait vendu une machine sans préciser explicitement qu’elle était d’occasion. Le dirigeant fut poursuivi pour tromperie, mais a été relaxé. L’acquéreur assigna alors l’entreprise en annulation de la vente, mais, changeant d’avis en cours de procédure, il demandait seulement une indemnisation1.

La Cour de cassation a jugé que, si la relaxe du chef de tromperie faisait obstacle à ce que l’acquéreur puisse, devant les juridictions civiles, invoquer un dol ayant vicié son consentement, tel n’était pas le fondement de sa demande de réparation reposant sur un défaut de conformité à la commande du matériel livré.

La faute pénale pour laquelle le vendeur avait été relaxé était différente de la faute contractuelle qui lui était reprochée en l’espèce. L’autorité de la chose jugée ne s’opposait donc pas à ce qu’il soit condamné à en réparer les conséquences.

1 L’arrêt d’appel : CA Nancy, 9 Décembre 2014, n+13/01897. Il est assez instructif à plusieurs égards (valeur probante d’un mail, préjudice indemnisable).