Pour être indemnisable, il est classique qu’un préjudice doive être légitime, personnel, direct et certain. L’avant-dernier critère renvoie au lien de causalité, je ne le précise donc pas.

Préjudice légitime

Pour être indemnisé, un préjudice doit avant tout être légitime. Le principe est parfaitement résumé par M.Brusorio-Aillaud (p.31) : « Ce n’est donc pas la situation de la victime qui doit être légitime, mais l’intérêt lésé. » Le seul fait qu’une personne soit dans une situation illégale ne la privera donc pas de son droit à indemnisation. Par exemple :

  • la blessure reçue par une personne achetant de la drogue est un dommage légitime (Civ.2, 2 février 1994, n°92-14.005).
  • La perte de chance d’engager un recours abusivement, à des fins purement dilatoires n’est pas un dommage légitime (Civ.1, 23 novembre 2004, n°03-15.090).

Attention à ne pas confondre cette règle avec l’adage nemo auditur1, qui interdirait de se prévaloir de sa propre turpitude (=faute). Celui-ci ne s’applique pas en responsabilité délictuelle. Sa seule utilité est d’empêcher les restitutions suite à la disparition d’une relation contractuelle dans certains cas.

Affaires importantes : Civ.2, 22 février 2007, n°06-10.131, Casino de Trouville-sur-Mer ; Civ.2, 30 juin 2011, n°10-30.838, Casino de La Baule ; Plén., 17 novembre 2000, n°99-13.701, Perruche

Préjudice personnel et préjudice par ricochet

Seule la personne qui a subi le dommage peut demander réparation du préjudice causé. Toutefois, ce dommage peut, lui-même, causer directement un autre dommage à un autre personne. Par exemple, si une personne se fait tuer, ses proches en subiront un préjudice moral (deuil) et parfois matériel (enfants et conjoint du défunt, aux besoins desquels il ne pourra plus subvenir).

On parle alors de préjudice par ricochet. S.Porchy-Simon2 le définit comme « celui subi par un tiers victime du fait d’un dommage initial dont est atteint une victime principale. » L’indemnisation des victimes par ricochet est subordonnée à l’indemnisation de la victime directe. Si la seconde n’est pas reconnue, la première non plus. La faute de la victime principale est opposable à la victime par ricochet (Plén., 19 juin 1981, n°79-11.193).

Préjudice certain et perte de chance

Ce critère n’exclut pas le dommage virtuel ou futur, qui est un préjudice qui ne s’est pas encore réalisé, mais dont la survenance est une certitude (Req., 1er juin 1932). Ce préjudice doit être immédiatement estimable. Un bon exemple est l’incapacité de travail : le préjudice résultant de l’impossibilité de travailler est certain, futur et immédiatement estimable. Un préjudice incertain est dit « éventuel ».

La perte de chance est constituée par « la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable » (Civ.1, 21 novembre 2006, n°05-15.674).

Ex : le fait qu’un avocat ne fasse pas appel dans les délais impartis fait perdre à son client une chance de gagner le procès ; le fait qu’un médecin n’informe pas son client des risques d’une opération lui fait perdre une chance de ne pas la réaliser sauf si le client aurait, de toute façon, choisi de la subir (Civ.1, 20 juin 2000, n°98-23.046).

Actualité

Civ.2, 2 mars 2017, n°16-12.582 : Un passager a eu un accident de la circulation alors qu’il allait entamer une période d’essai qui aurait pu déboucher sur un CDI. La perte de revenu ainsi que la perte de chance d’obtenir le CDI ont dû être indemnisés.

1 « Nemo auditur propriam turpitudinem allegans »

2 Jurisclasseur Lexis 360, Responsabilité civile et assurance