L’erreur déterminante et excusable

Commençons avec le vice le plus bénin et ordinaire : l’erreur. L’erreur est « le fait de se représenter inexactement l’objet d’une obligation » (Malaurie et al., p.284).

Pour vicier le consentement, elle doit porter « sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant1 » (Art.1132), qui sont « celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté. » (art.1133)

L’erreur doit être excusable. Cela s’apprécie au regard des fonctions et compétences de l’errans. Cette règle ne s’applique pas aux « erreurs-obstacle » (Civ.3, 16 décembre 2014, n°14-14.168). Cette notion est utilisée lorsqu’il y a une complète méprise sur la nature même du contrat : l’un va penser qu’il s’agit d’un prêt et l’autre d’une vente ou bien l’un pense vendre une maison de 60m² et l’autre acheter une maison de 230m² (Civ.3, 21 mai 2008, n°07-10.772). « Le consentement n’est pas vicié : il n’y a pas de consentement du tout ! » (Houtcieff, p.142)

Les erreurs viciant du consentement

Toutes les erreurs déterminantes et excusables n’entraînent pas l’annulation du contrat. Ainsi en est-il de l’erreur sur :

  • un simple motif d’un consentement, « étranger aux qualités essentielles de la prestation due ou du cocontractant, n’est pas une cause de nullité », sauf « l’erreur sur le motif d’une libéralité, en l’absence duquel son auteur n’aurait pas disposé » (Art.1135)2 ou si le motif est stipulé dans le contrat (Com., 11 avril 2012, n°11-15.429).
  • Les qualités du cocontractant sauf si le contrat est conclu intuitu personae et que ces qualités sont « essentielles » (Art. 1134)
  • la valeur (art.1136)
  • une qualité qui était, au moment de la conclusion, incertaine et dont l’aléa avait été accepté. On dit que « l’aléa chasse l’erreur ». Une des illustrations les plus communes de cette règle très ancienne est l’arrêt Fragornard du 24 mars 1987 (Civ.1, n°85-15.736). Un tableau dont l’authenticité était douteuse, « attribué à Fragornard », s’était révélé authentique. La demande en annulation du vendeur avait été rejetée au motif qu’il avait accepté cet aléa. (Art.1133 §3)

L’erreur peut porter indifféremment sur le droit ou les faits (art.1132). L’adage « nul n’est censé ignorer la loi » ne s’y oppose pas, empêchant simplement une personne de se soustraire à l’application d’une règle légale en prétextant l’ignorer (Brusorio-Aillaud, p.181).

Com., 11 avril 2012, n°11-15.429 : Une infirmière libérale agissant en milieu rural avait souscrit deux crédits-bail pour obtenir du matériel médical. Elle a cessé de payer les loyers, puis le crédit-bailleur lui a demandé paiement des impayés et restitution du matériel. L’infirmière demanda la nullité du contrat pour erreur et une indemnisation de la part du bailleur pour avoir manqué à son devoir de conseil.

La Cour rappela tout d’abord que « l’erreur sur un motif du contrat extérieur à l’objet de celui-ci n’est pas une cause de nullité de la convention, quand bien même ce motif aurait été déterminant, à moins qu’une stipulation expresse ne l’ait fait entrer dans le champ contractuel en l’érigeant en condition du contrat ». La demandeuse prétendait s’être méprise sur l’utilité du matériel et son adéquation aux besoins des personnes en milieu rural. La Cour de cassation a jugé qu’il s’agissait d’un simple motif et rejeté ses prétentions.

1 L’erreur sur la personne « n’est une cause de nullité que dans les contrats conclus en considération de la personne. » (Art. 1134)

2 Cette disposition continue une solution auparavant basée sur la cause (Civ.3, 29 janvier 2014, n°12-28.751).