L’exception d’inexécution
L’exception d’inexécution permet de refuser d’exécuter une obligation « alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave. » (Art.1219) En cas d’inexécutions réciproques, le juge compare la gravité de chacune.
Ce dispositif implique deux créances réciproques, certaines et exigibles qui doivent être liées l’une à l’autre. Cela permet d’étendre le mécanisme aux cas d’ensembles de contrats interdépendants (Com., 12 juillet 2005, n°03-12.507).
Contrairement à la résolution, le contrat garde vocation à être exécuté. La personne ayant mis en œuvre l’exception d’inexécution peut demander l’exécution forcée de l’obligation l’ayant justifiée.
L’article 1120 prévoit une exception d’inexécution « par anticipation », ce qui est une nouveauté en droit commun des contrats (Guérin S., AJ Contrat 2017.17 ; Bretzner J-D., JCP G 2016, n°39, p.999). Il dispose :
« Une partie peut suspendre l’exécution de son obligation dès lors qu’il est manifeste que son cocontractant ne s’exécutera pas à l’échéance et que les conséquences de cette inexécution sont suffisamment graves pour elle. Cette suspension doit être notifiée dans les meilleurs délais. »
On peut penser que cet article aura le même champ d’application que l’article 1219 et concernera donc les obligations liées et réciproques. Contrairement à celui-ci, il y a une obligation de notification (ce qui est logique, l’article 1219 se déclenchant après l’inexécution) et la « gravité » porte sur les conséquences de l’inexécution, pas sur l’inexécution elle-même.
La résolution/résiliation …
La « résolution met fin au contrat » (Art.1229). Elle peut résulter « soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice. »(Art.1224)
Alors que la résolution était en principe rétroactive (anc. Art. 1183-1184), ce n’est maintenant plus le cas (Bénabent, p.309 : Malaurie et al., p.519). Elle n’est rétroactive que dans certains cas :
- si, résultant d’une clause résolutoire, cette dernière le prévoit (Art.1229 al.2)
- si, prononcée par le juge, ce dernier le décide (Art.1229 al.2)
- « lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l’exécution complète du contrat » (Art.1229). Si, au contraire, les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l’exécution réciproque du contrat, l’effet n’est pas rétroactif et la résolution est qualifiée de résiliation. (Art.1229)
- Si la résolution vise un contrat à exécution successive ayant été mal ou non exécuté dès le début.
Toutes les clauses d’un contrat ne périssent pas en cas de résolution. L’article 1230 prévoit :
« La résolution n’affecte ni les clauses relatives au règlement des différends ni celles destinées à produire effet même en cas de résolution, telles les clauses de confidentialité et de non-concurrence. »
Cela inclut les clauses conçues pour être efficaces en cas d’inexécution, comme les clauses pénales ou les clauses limitatives de responsabilité. (Andreu et Thomassin, p.336)
… Conventionnelle
La clause résolutoire1 est définie par l’article 1225 :
« La clause résolutoire précise les engagements dont l’inexécution entrainera la résolution du contrat.
La résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s’il n’a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l’inexécution. La mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire. »
L’existence d’une clause résolutoire n’empêche pas la résolution unilatérale ou judiciaire.
… Unilatérale
La résolution unilatérale est consacrée par l’article 1226 : « Le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable. » (§1)
La mise en demeure doit mentionner « expressément qu’à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat. » (Art.1226§2) Si l’inexécution persiste, « le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent. » (Art.1226§3)
Pour que la résolution soit valable, l’inexécution doit être d’une certaine gravité (Art.1226§4). Elle se rapproche ainsi de l’exception d’inexécution. On peut même dire qu’elle la continue, étant donné que la résolution est postérieure au début de l’inexécution (une mise en demeure étant nécessaire, sauf urgence).
La résiliation unilatérale est toujours possible lorsque le contrat est à durée indéterminée. Elle doit bien sûr respecter un préavis et ne pas être fautive, ce que nous avons vu dans la partie sur la fin paisible du contrat.
… Judiciaire
La résolution judiciaire est très laconiquement prévue par l’article 1228 :
« Le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l’exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts. »
La résolution judiciaire suppose également une inexécution d’une certaine gravité (ex : Com., 2 février 2016, n°13-24.582).
L’ancienne jurisprudence (Civ.3, 29 octobre 2003, n°02-15.668) ne laissait pas liberté au juge de prononcer l’exécution forcée si le créancier demandait la résolution. Le nouvel article 1228 semble lui laisser la liberté de choisir l’une ou l’autre (Houtcieff, p.509).
La résolution judiciaire peut être prononcée « quel que soit le motif qui a empêché cette partie de remplir ses engagements et alors même que cet empêchement résulterait de la force majeure » (Civ.1, 13 novembre 2014, n°13-24.633).
La réduction du prix
La réduction du prix est définie par l’article 1223 :
« Le créancier peut, après mise en demeure, accepter une exécution imparfaite du contrat et solliciter une réduction proportionnelle du prix.
S’il n’a pas encore payé, le créancier notifie sa décision de réduire le prix dans les meilleurs délais. »
Ce dispositif n’est pas totalement original, étant donné qu’il était « toujours possible d’obtenir une réduction de prix par l’intermédiaire d’une demande en dommages et intérêts » par la compensation (Dissaux N., AJ Contrat 2017.10).
1 Entraînant une résolution conventionnelle.