L’article 1321 définit la cession de créance comme étant « un contrat par lequel le créancier cédant transmet, à titre onéreux ou gratuit, tout ou partie de sa créance contre le débiteur cédé à un tiers appelé le cessionnaire. » La transmission peut « porter sur une ou plusieurs créances présentes ou futures, déterminées ou déterminables » (§2) et « s’étend aux accessoires de la créance. » (§3) Enfin, il s’agit d’un contrat formel : « La cession de créance doit être constatée par écrit, à peine de nullité. » (Art.1322)1

Notez que le débiteur peut, si la créance est cédée alors qu’il la conteste au contentieux, se substituer à l’acheteur et donc éteindre l’obligation par confusion (Art.1699-1700). On parle de « retrait litigieux ». C’est une mécanique un peu trop spécifique, je ne reviendrai pas dessus.

Opposabilité de la cession

Voici les règles d’opposabilité :


Opposabilité
Entre les partiesImmédiate (Art.1323)
Vis-à-vis des tiersImmédiate (Art.1323)
Vis-à-vis du débiteur cédéS’il n’y a déjà consenti, si elle lui a été notifiée ou s’il en a pris acte. (Art.1324)

L’opposabilité immédiate aux tiers est une nouveauté. Auparavant, la cession était opposable aux tiers par l’accomplissement des formalités prévues à l’article 1690 envers le débiteur. En cas de double cession de créance, c’était la créance du premier à réaliser lesdites formalités qui prévalait. L’autre n’avait plus qu’à se retourner contre le cédant, celui-ci garantissant « l’existence de la créance et de ses accessoires, à moins que le cessionnaire l’ait acquise à ses risques et périls ou qu’il ait connu le caractère incertain de la créance. » (Art.1326§1 ; 1693 anc.)

Maintenant, si la créance est cédée plusieurs fois, le « concours entre cessionnaires successifs d’une créance se résout en faveur du premier en date; il dispose d’un recours contre celui auquel le débiteur aurait fait un paiement. » (Art. 1325) C’est donc le second cessionnaire qui devra se retourner contre le cédant.

Les tiers sont définis comme étant « ceux qui, n’ayant pas été parties à l’acte de cession, ont intérêt à ce que le cédant soit encore créancier. » (Civ.1, 4 décembre 1985, n°84-12.737)

Le mode d’opposabilité au débiteur est également une nouveauté. Auparavant, il fallait respecter les formalités de l’article 1690 (= une signification, qui est un acte d’huissier, ou un acte équivalent). Maintenant une simple « notification » suffit.

La transmission de la créance

La créance est transmise avec ses accessoires (Art. 1321§3) et, le cédant ne pouvant transmettre plus de droits qu’il n’en a, ses vices.

Sont également transmises les actions étant l’accessoire de la créance. Par exemple, l’action contre un notaire ayant oublié d’enregistrer une hypothèque est transmise en même temps que la cession de la créance contre l’emprunteur. C’est la solution pour les « droits et actions appartenant au cédant et attachés à la créance cédée ».

La transmission des vices pose le problème suivant : quelles sont les exceptions opposables au cessionnaires ? On distingue les exceptions inhérentes à la dettes des exceptions personnelles. Nous avons vu déjà cette distinction. Toutefois, la cession de créance présente une spécificité importante : « Le débiteur qui a pris acte sans réserve de la cession de la créance ne peut opposer au cessionnaire la compensation qu’il eût pu opposer au cédant. » (Art.1347-5)

Cette règle concerne-t-elle aussi la compensation de dettes connexes ? Elle reste une compensation, elle ne devrait donc pas être opposable. Toutefois, Malaurie et al. (p.805)2 affirment que cet article ne vaut que pour les compensations de dettes non-connexes. Prudence donc.

La responsabilité du cédant

Si la cession est à titre onéreux, le cédant « garantit l’existence de la créance et de ses accessoires, à moins que le cessionnaire l’ait acquise à ses risques et périls ou qu’il ait connu le caractère incertain de la créance. » (Art.1326 §1 ; 1693 anc.)

Le cédant est également tenu, solidairement avec le cessionnaire, de « tous les frais supplémentaires occasionnés par la cession dont le débiteur n’a pas à faire l’avance. » Cette charge incombe au final, sauf clause contraire, au cessionnaire. (Art.1324 §3) Cette solidarité est une innovation de la réforme de 2016.

1 Ce dernier point est une innovation : auparavant il s’agissait d’un acte consensuel (Malaurie et al., p.802).

2 Ils citent un arrêt du 15 juin 1993 (Com., n°91-19.677) et un du 12 juillet 1995 (Civ.3, n°93-18.182). Toutefois, ils ne concernent absolument pas cette hypothèse (l’opposabilité de la compensation de dettes connexes en cas de prise d’acte).