La délégation est « une opération par laquelle une personne, le délégant, obtient d’une autre, le délégué, qu’elle s’oblige envers une troisième, le délégataire, qui l’accepte comme débiteur. » (Art.1336) Contrairement à la cession de dette, il n’y a pas transfert du lien obligataire, mais création d’un nouveau lien.

Conditions de la délégation en droit privé

La délégation repose sur les consentements de toutes les parties. Ceux-ci peuvent être tacites (Crim., 23 novembre 2004, n°04-82-834), sauf si la délégation est novatoire.

Il n’y a pas de formalisme particulier. Toutefois, « La simple indication faite par le débiteur d’une personne désignée pour payer à sa place n’emporte ni novation ni délégation. Il en est de même de la simple indication faite, par le créancier, d’une personne désignée pour recevoir le paiement pour lui. » (Art.1340)

Il importe peu que le délégué ait été, ou non, débiteur à l’égard du délégant (Com., 21 juin 1994, n°91-19.281).

Effets de la délégation du code civil

L’opposabilité des exceptions

Contrairement à la cession de dette, il n’y a pas transfert de la dette, mais création d’un nouveau lien obligataire. Cela justifie que « Le délégué ne peut, sauf stipulation contraire, opposer au délégataire aucune exception tirée de ses rapports avec le délégant ou des rapports entre ce dernier et le délégataire » (Art.1336).

Cette règle cède en cas de collusion frauduleuse entre deux des parties contre la troisième (Com., 22 avril 1997, n°95-17.664).

Délégation certaine et incertaine

La délégation certaine est « totalement détachée des rapports fondamentaux – s’il en existe » (Flour et al., t.3, p.441). La délégation incertaine, au contraire, repose expressément sur d’autres interactions, comme une créance du délégant sur le délégué. (Malaurie et al., p.829-830).

L’article 1339 décrit les effets de la délégation dans l’hypothèse où le délégant est créancier du délégué :

Lorsque le délégant est créancier du délégué, sa créance ne s’éteint que par l’exécution de l’obligation du délégué envers le délégataire et à due concurrence.

Jusque-là, le délégant ne peut en exiger ou en recevoir le paiement que pour la part qui excéderait l’engagement du délégué. Il ne recouvre ses droits qu’en exécutant sa propre obligation envers le délégataire.

La cession ou la saisie de la créance du délégant ne produisent effet que sous les mêmes limitations.

Toutefois, si le délégataire a libéré le délégant, le délégué est lui-même libéré à l’égard du délégant, à concurrence du montant de son engagement envers le délégataire.

Délégation parfaite ou imparfaite

Une délégation est « imparfaite » lorsque « le délégant est débiteur du délégataire mais que celui-ci ne l’a pas déchargé de sa dette ». Alors, « la délégation donne au délégataire un second débiteur » et le « paiement fait par l’un des deux débiteurs libère l’autre, à due concurrence. » (Art.1338)

Lorsqu’elle est parfaite, c’est-à-dire que « le délégant est débiteur du délégataire et que la volonté du délégataire de décharger le délégant résulte expressément de l’acte », il s’agira d’une novation (Art. 1337).

Comme nous le verrons, la novation ne se présumant pas, la seule « acceptation par le créancier de la substitution d’un nouveau débiteur au premier, même si elle n’est assortie d’aucune réserve, n’implique pas, en l’absence de déclaration expresse, qu’il ait entendu décharger le débiteur originaire de sa dette. » (Com., 12 décembre 1995, n°93-14.438) On retrouve la même solution que pour la cession de dette : en principe, le débiteur initial reste tenu.

Délégation et stipulation pour autrui

Le délégué pourrait, au lieu de passer par une délégation imparfaite, choisir la stipulation pour autrui. Il pourrait s’engager vis-à-vis du débiteur initial ou bien du créancier à payer la dette. On relève plusieurs différences entre stipulation pour autrui et délégation (Malaurie et al., p.836) :

  • contrairement à la délégation, la stipulation pour autrui ne nécessite pas le consentement du tiers bénéficiaire.
  • Le promettant peut opposer les exceptions le liant au débiteur, contrairement au délégué si la délégation est certaine.