La prescription extinctive est l’extinction de l’obligation par le temps. Elle se justifie par un impératif de sécurité juridique et des motifs d’ordre probatoires. (Flour et al., t.3, p.482)

L’application dans le temps

L’une des principales difficultés est l’application de la loi dans le temps de la réforme de la prescription de 2008. L’article 26 de la loi no 2008-561 du 17 juin 2008 régit l’application dans le temps de la réforme :

I. — Les dispositions de la présente loi qui allongent la durée d’une prescription s’appliquent lorsque le délai de prescription n’était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé.

II. — Les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s’appliquent aux prescriptions à compter du jour de l’entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

III. — Lorsqu’une instance a été introduite avant l’entrée en vigueur de la présente loi, l’action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Cette loi s’applique également en appel et en cassation.

En bref, la réforme est entrée immédiatement en effet :

  • Les allongements de délais prescriptions s’appliquent aux prescriptions en cours, sans qu’il soit possible de faire revivre celles qui sont acquises.
  • Les raccourcissements s’appliquent immédiatement, mais comme si le délai avait été interrompu. C’est-à-dire qu’un délai de 10 ans commençant en mars 2008 devenant un délai de 2 ans à l’entrée en vigueur de la réforme (le 19 juin) s’achèverait le 19 juin 2010 (Civ.2, 17 mars 2016, n°14-24.986). Ce mécanisme ne peut toutefois pas aboutir à un allongement de la durée globale. Si le délai de 10 ans susmentionné avait commencé à courir en mars 2000, il aurait été prescrit en mars 2010 (et non pas le 19 juin).
  • Les instances en cours sont régies par le droit antérieur.

La durée et le point de départ

Avant la réforme du 17 juin 2008 (L. no 2008-561), la durée de la prescription variait selon que l’obligation soit civile ou commerciale et la responsabilité contractuelle ou délictuelle. Il y avait même une différence entre nullité relative, se prescrivant en 5 ans (anc. Art.1304 ), et absolue, se prescrivant en 30 ans (anc. art. 2262).

Le délai courait « au jour de la naissance du droit (ex : date d’exigibilité de la créance pour les contrats, manifestation ou aggravation du dommage pour les délits) » (Fages, p.492). Ce point de départ était l’objet d’une jurisprudence casuistique complexe avec de fréquents revirements.

Apparemment fixe, la jurisprudence reportait souvent le délai si le créancier de l’obligation ne pouvait pas agir. Au final, le début du délai était similaire, mais pas identique au délai « glissant » consacré par la réforme de 2008 (Flour et al., t.3, p.498 ; Malaurie et al., p.711, Fages p.493).

La prescription de droit commun est maintenant de 5 ans et court à partir « du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. » (Art.2224)

Il n’y a plus de différences entre responsabilités délictuelles et contractuelles, civiles et commerciales ou entre les nullités relatives et absolues.

Les conventions peuvent évidemment influer sur le point de départ. Ainsi l’article 2233 précise que :

« la prescription ne court pas :

1o À l’égard d’une créance qui dépend d’une condition, jusqu’à ce que la condition arrive;

2o À l’égard d’une action en garantie, jusqu’à ce que l’éviction ait lieu;

3o À l’égard d’une créance à terme, jusqu’à ce que ce terme soit arrivé. »

La prescription se compte en jours (Art.2229) et commence le lendemain à 0h.

L’article 2254 permet de modifier directement la prescription. Le délai prévu est encadré : il ne peut être inférieur à 1 an ou supérieur à 10 ans (Art.2254§1) et ne peut concerner les actions en paiement de tout ce qui est payable par années (ou à des termes périodiques plus courts) (Art.2254§3).

Parmi les prescriptions particulières importantes, il faut noter que les dommages corporels ne se prescrivent qu’au bout de 10 ans et 20 ans pour le « préjudice causé par des tortures ou des actes de barbarie, ou par des violences ou des agressions sexuelles commises contre un mineur »1. (Art.2226)

Les délais spéciaux restent extrêmement nombreux : plus de 250 selon un rapport au Sénat de 20072. (Malaurie et al., p.707 et s.)

Suspension et interruption

Des circonstances peuvent causer la suspension ou l’interruption du délai (et donc l’étendre). En principe, il ne peut toutefois pas dépasser 20 ans à partir du point de départ (Art.2232). Ce délai butoir ne s’applique toutefois pas à certains délais, comme celui de la prescription des dommages corporels (Art.2232§2). Il est souvent écarté (Malaurie et al., p.712).

  1. La suspension de l’obligation

La suspension arrête temporairement le cours de la prescription sans effacer le délai déjà écoulé (Art.2230). Parmi les causes de suspension de la prescription, on trouve notamment :

  • l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure. » (Art.2264)3 ;
  • le fait d’être mineur non-émancipé ou majeur sous tutelle, sauf s’agissant de certaines actions (art.2235) ;
  • le recours à la médiation ou à la conciliation (Art.2238) ;
  1. L’interruption

Au contraire de la suspension, l’interruption « efface le délai de prescription acquis. Elle fait courir un nouveau délai de même durée que l’ancien. » (Art.2231)

Parmi les principales causes d’interruption, on compte notamment :

  • « La reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait » (art.2240).
  • la demande en justice, même si la juridiction est incompétente (ex : Civ.2, 19 février 2015, n°13-26.682) ou qu’il y a un vice de procédure (Art.2241).

L’effet

Une fois que la prescription extinctive est acquise, le débiteur de l’obligation en est libéré. Toutefois, la prescription ne peut pas être soulevée d’office par le juge (Art.2247). L’obligation peut revivre si le débiteur le veut. L’obligation prescrite reste « naturelle » au sens où, si le débiteur l’honore, il ne pourra pas en demander la restitution.

La personne qui bénéficie de la prescription peut en effet renoncer à son bénéfice, mais seulement si elle est acquise (Art.2250).

1 Sur un exemple d’application : Civ.2, 3 mars 2016, n°15-13.747,

2 J-F Weber, « Pour un droit de la prescription moderne et cohérent », Rapport Sénat, n°338, 2006-2007

3 La Cour de cassation décidait déjà que « la prescription ne court pas contre celui qui est dans l’impossibilité absolue d’agir par suite d’un empêchement quelconque résultant soit de la loi, soit de la convention ou de la force majeure » (Civ.1, 22 décembre 1959 59-10.037). On peut se demander si l’article 2233 n’est pas une application spécifique de ce principe général (et donc un article un peu superflu).