La force probante de l’écrit sur le non-écrit

L’article 1359§2 pose la supériorité de la preuve écrite sur celle qui ne l’est pas :

« Il ne peut être prouvé outre ou contre un écrit établissant un acte juridique, même si la somme ou la valeur n’excède pas ce montant, que par un autre écrit sous signature privée ou authentique. »

Prouver contre un écrit « signifie établir des inexactitudes renfermées dans ce dernier » et prouver outre consiste à affirmer « qu’une stipulation a été omise lors de la rédaction de l’acte. » (Ferrand, Répertoire de procédure civile Dalloz, Preuve, §246 et 248)

Rôle et portée de la signature

L’une des problématiques centrales de la preuve écrite est la signature. Le rôle et la portée de la signature sont notamment définis par l’article 1367 :

« §1 La signature nécessaire à la perfection d’un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte. Quand elle est apposée par un officier public, elle confère l’authenticité à l’acte. »

Les caractères de la signature ne font pas (spécialement) problème lorsqu’elle est manuscrite : une analyse graphologique permet en principe de résoudre les éventuelles contestations. Toutefois, les choses sont moins simples pour la signature électronique. Le second alinéa de l’article sus-cité prévoit :

« Lorsqu’elle est électronique, elle consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu’à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l’identité du signataire assurée et l’intégrité de l’acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. »

Le décret no 2001-272 du 30 mars 2001 est venu le préciser. En résumé, les conditions de la signature électronique sont très restrictives : « Seules les signatures électroniques créées à partir de procédés hautement sécurisés pourraient créer une présomption simple de fiabilité au profit de celui qui oppose un courriel comme preuve »1. Je ne détaille pas, c’est une matière très complexe et il y a de nombreux articles récents sur le sujet.

L’équivalence entre preuve sur papier et électronique

L’article 13662 prévoit :

« L’écrit électronique a la même force probante que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité. »

L’ancien article 1369-8, maintenant article 1127-5, prévoyait qu’un email pouvait valoir courrier recommandé s’il était « acheminé par un tiers selon un procédé permettant d’identifier le tiers, de désigner l’expéditeur, de garantir l’identité du destinataire et d’établir si la lettre a été remise ou non au destinataire ». Créé par l’ordonnance n°2005-674 du 16 juin 2005, cet article devait être précisé par deux décrets, qui n’ont été pris qu’en 2011 (n° 2011-144 et 2011-434 ; JCP G 2011, n°18, p.514).

Ces exigences ne sont requises qu’afin que le courrier électronique ait valeur d’écrit. Même s’il ne les respecte pas, il pourra toujours éventuellement prouver un fait juridique (Civ.2, 13 février 2014, n°12-16.839) ou constituer un commencement de preuve par écrit (Civ.1, 20 mai 2010, n°09-65.854).

1 Favier (2013), Répertoire civil Dalloz, « Correspondance – Messages électroniques », §104

2 Il reprend l’ancien article 1316-1 et -3 (créé par la loi no 2000-230 du 13 mars 2000) en précisant.