« Il est un droit fondamental, tiré de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, et autonome des autres manifestations du droit au procès équitable » (RTD Civ., 2017.1).

Le droit à la preuve, s’il n’a pendant longtemps été qu’une idée doctrinale, est maintenant un principe juridique à part entière. Il a été expressément consacré par les arrêts du 10 octobre 2006 (CEDH, L.L. contre France, n°7508/02) et du 13 mai 2008 (N.N. et T.A. c/Belgique, n°65097/01).

Le principe actuel

Le présent principe suppose deux conditions :

  • La nécessité (CEDH) ou indispensabilité (Cour de cassation) de la preuve au regard du litige.
  • la proportion entre l’illicéité de la preuve et le droit à un procès équitable

La CEDH ajoute à ces deux conditions une troisième : la nécessité que l’ingérence dans la vie privée soit prévue par la loi. Il s’agit d’une différence potentiellement majeure entre cette juridiction et la Cour de cassation, mais le sujet est incertain.

Civ.2, 22 septembre 2016, n°15-24.015 : Un adolescent avait été victime d’un accident de la route et l’assureur responsable demanda à une entreprise d’enquêter sur le degré de mobilité et d’autonomie de la victime.

La Cour de cassation n’a pas remis en question le principe de l’enquête, admettant que l’atteinte à la vie privée de la victime puisse être licite si elle « était proportionnée au regard des intérêts en présence, l’assureur ayant l’obligation d’agir dans l’intérêt de la collectivité des assurés et, pour ce faire, de vérifier si la demande en réparation de la victime était fondée ».

Toutefois, la Cour de cassation estima qu’en l’espèce l’enquêteur était allé trop loin, excédant les nécessités de l’enquête privée, en surveillant l’intérieur du domicile, en tentant d’identifier les personnes s’y présentant et en rapportant précisément tous les déplacements de la victime et de sa mère : « l’immixtion dans leur vie privée excédait les nécessités de l’enquête privée et que, dès lors, les atteintes en résultant étaient disproportionnées au regard du but poursuivi ».

Les exceptions

Deux exceptions au droit à la preuve ont été énoncées par l’arrêt du 13 mai 2008 (CEDH, n°65097/01, §48) :

  • si la preuve a été obtenue illégalement par la personne qui la produit
  • si la preuve était couverte par le secret professionnel

Civ.1, 4 juin 2014, n°12-21.244 : Un couple avait vendu deux immeubles à une personne par acte authentique. Les époux agissaient en nullité de la vente pour dol et, pour prouver ce dernier, produisirent 4 lettres que le notaire avait adressées à l’acquéreur. Il s’agissait de savoir si le droit à la preuve permettait que ces pièces soient admises comme preuves.

L’arrêt admettant comme preuves les pièces litigieuses fut cassé au motif que « le droit à la preuve découlant de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme ne peut faire échec à l’intangibilité du secret professionnel du notaire, lequel n’en est délié que par la loi, soit qu’elle impose, soit qu’elle autorise la révélation du secret ».