La nullité (Art.1178), la caducité (Art.1187), la résiliation (Art.1302-2) ou la résolution (Art.1229) impliquent qu’il faut restituer une chose, une somme d’argent ou une prestation. On parle de « restitutions ». Les règles les encadrant, auparavant issues de textes répartis aux quatre coins du code, sont maintenant prévues aux articles 1352 à 1352-7.

La restitution en nature ou en valeur

Les règles varient selon que la restitution porte sur un bien, une prestation ou une somme d’argent. Ainsi l’article 1352 dispose :

« La restitution d’une chose autre que d’une somme d’argent a lieu en nature ou, lorsque cela est impossible, en valeur, estimée au jour de la restitution »

L’article 1352-8 précise :

« La restitution d’une prestation de service a lieu en valeur. Celle-ci est appréciée à la date à laquelle elle a été fournie. »

On voit ici une différence importante entre indemnisation et restitution, la valeur des choses/prestations étant, dans le premier cas, évaluée au jour de la décision.

Indemnisation et restitution en valeur peuvent se ressembler, mais alors que la première répare un préjudice, ce n’est pas le cas de la seconde. La restitution est censée être neutre.

Actualité

Civ.3, 19 mai 2016, n°15-11.441 : Cet arrêt est la suite de celui du 30 janvier 2013 (Civ.3, n°11-26.074).

Une SCI avait vendu un immeuble à la société G, qui l’a vendu en lots à plusieurs cessionnaires. La vente initiale a été annulée, ce qui entraîna la nullité des trois ventes subséquentes (De la Vaissière F., AJDI 2013.625). Les cessionnaires et les banques ayant prêté de l’argent ont assigné en responsabilité les notaires ainsi que les liquidateurs de la société G. Les notaires avaient tous manqué à leur obligation d’information et été jugés responsables solidairement.

Il s’agissait de savoir si les banques pouvaient demander la restitution de l’intégralité du prêt aux responsables ou seulement des intérêts.

Contrairement à la Cour d’appel, la Cour de cassation décida que « la restitution du capital restant dû à la banque, résultant de l’anéantissement d’un contrat de prêt, ne constitue pas, en elle-même, à l’inverse de la perte des intérêts conventionnels, un préjudice réparable ». Le capital relevait des règles de la restitution et donc des relations entre les banques et les emprunteurs. Seuls les intérêts non perçus pouvaient être indemnisés. Cette solution, classique, a été répétée par un arrêt du 1er juin 2017 (Civ.3, n°16-14.428).

La question des fruits

Si la restitution porte sur une somme d’argent, la restitution « inclut les intérêts au taux légal et les taxes acquittées entre les mains de celui qui l’a reçue. » (Art.1352-6)

Si la personne devant restituer a reçu de mauvaise foi doit les intérêts, les fruits qu’il a perçus ou la valeur de la jouissance à compter du paiement. Celui qui a reçu de bonne foi ne les doit qu’à compter du jour de la demande. » (Art.1352-7)

S’agissant des choses, les gains relatifs à l’utilisation du bien sont abordés par l’article 1352-3 :

« La restitution inclut les fruits et la valeur de la jouissance que la chose a procurée.

La valeur de la jouissance est évaluée par le juge au jour où il se prononce.

Sauf stipulation contraire, la restitution des fruits, s’ils ne se retrouvent pas en nature, a lieu selon une valeur estimée à la date du remboursement, suivant l’état de la chose au jour du paiement de l’obligation. »

L’inclusion des fruits dans la restitution est une solution classique (Civ.3, 29 juin 2005, n°04-12.987) au contraire de l’inclusion de la valeur de jouissance. Celle-ci était classiquement jugée non restituable (Mixte, 09 septembre 2004, n°02-16.302), sauf pour les contrats de locations (Mixte, 9 novembre 2007, n°06-19.508). Cela se justifiait par le fait que la jouissance du bien n’était alors pas un effet secondaire du contrat annulé, mais bien l’effet principal.

Si les fruits sont pris en compte, les dépenses aussi peuvent l’être. Ainsi, l’article 1352-5 prévoit que :

« Pour fixer le montant des restitutions, il est tenu compte à celui qui doit restituer des dépenses nécessaires à la conservation de la chose et de celles qui en ont augmenté la valeur, dans la limite de la plus-value estimée au jour de la restitution. »

Civ.3, 23 juin 2016, n°15-11.440 : Une entreprise devait prendre congé d’un terrain qu’elle exploitait comme décharge le 31 décembre 2004. Elle s’y est toutefois maintenue pendant 5 ans pour mettre en œuvre son obligation de réaménagement du terrain. Le propriétaire demanda indemnisation du préjudice ainsi causé. Il s’agissait de définir « la somme que le propriétaire d’un immeuble peut réclamer à un occupant sans droit ni titre » (Knetsch J., RDC 2016, n°4, p. 657).

La Cour d’appel avait attribué une faible indemnité au motif que le terrain, ayant été utilisé comme site d’enfouissement des déchets pendant 20 ans, ne pouvait plus être utilisé à des fins commerciales, industrielles ou, en, raison d’un arrêté préfectoral, d’enfouissement des déchets.

L’arrêt fut cassé au motif que le réaménagement pendant lequel s’était maintenu l’entreprise faisant partie intégrante de l’activité exercée, l’indemnité d’occupation devait être fixée par référence au loyer prévu.

La dégradation/valorisation de la chose

Si la chose restituée a été dégradée: « Celui qui restitue la chose répond des dégradations et détériorations qui en ont diminué la valeur, à moins qu’il ne soit de bonne foi et que celles-ci ne soient pas dues à sa faute. » (Art.1353-1)

Cet article modifie la solution alors en vigueur : en cas de dégradation du bien, il fallait prouver la mauvaise foi du contractant. Maintenant elle est présumée.

Si le bien a été amélioré, le restituant pourra en principe agir en enrichissement injustifié.

Si le bien à restituer a été vendu :

« Celui qui l’ayant reçue de bonne foi a vendu la chose ne doit restituer que le prix de la vente.

S’il l’a reçue de mauvaise foi, il en doit la valeur au jour de la restitution lorsqu’elle est supérieure au prix. » (Art.1353-2)

Les sûretés

Le sort des sûretés est encadré par l’article 1352-9 :

« Les sûretés constituées pour le paiement de l’obligation sont reportées de plein droit sur l’obligation de restituer sans toutefois que la caution soit privée du bénéfice du terme. »

Nemo auditur

L’adage Nemo auditur s’oppose aux « restitutions faisant suite à l’annulation d’un contrat immoral » (Soc., 10 novembre 2009, n°08-43.805 ; RTD civ. 2010.104). C’est sa seule portée : il ne fait pas obstacle à la demande en nullité (Civ.1, 22 juin 2004, 01-17.258) ni même aux indemnités.