L’obligation non solidaire

En principe, « L’obligation qui lie plusieurs créanciers ou débiteurs se divise de plein droit entre eux. » (Art. 1309) L’article 1310 précise que « La solidarité est légale ou conventionnelle; elle ne se présume pas. »

La solidarité passive (entre débiteurs)

La solidarité passive lie plusieurs débiteurs face à un créancier. Elle est définie par l’article 1311 :

« La solidarité entre les débiteurs oblige chacun d’eux à toute la dette. Le paiement fait par l’un d’eux les libère tous envers le créancier.

Le créancier peut demander le paiement au débiteur solidaire de son choix. Les poursuites exercées contre l’un des débiteurs solidaires n’empêchent pas le créancier d’en exercer de pareilles contre les autres. »

On distingue en général les effets « principaux », touchant à la charge de la dette, des effets « secondaires », concernant la procédure.

  1. Obligation commune à la dette et répartition de sa charge

Le mécanisme principal est clairement énoncé : le créancier peut poursuivre n’importe quel débiteur et demander le paiement de l’intégralité de la dette.

Une fois que le créancier est payé, il faut se poser la question de la répartition de la charge de la dette et des recours contre les codébiteurs ne l’ayant pas assumée. Le recours pourra être fondé sur la solidarité elle-même ou résulter de la subrogation prévue à l’article 1356. Dans le second cas, le solvens bénéficie des autres sûretés grevant l’obligation (Flour et al., t.3, p.340 ; Malaurie et al., p. 758).

La contribution à la dette et l’action fondée sur la solidarité sont prévues par l’article 1317 :

«  Entre eux, les codébiteurs solidaires ne contribuent à la dette que chacun pour sa part.

Celui qui a payé au-delà de sa part dispose d’un recours contre les autres à proportion de leur propre part.

Si l’un d’eux est insolvable, sa part se répartit, par contribution, entre les codébiteurs solvables, y compris celui qui a fait le paiement et celui qui a bénéficié d’une remise de solidarité. »

La solution est différente si la solidarité n’intéressait qu’un des codébiteurs. Dans ce cas, l’article 1318 prévoit :

« Si la dette procède d’une affaire qui ne concerne que l’un des codébiteurs solidaires, celui-ci est seul tenu de la dette à l’égard des autres. S’il l’a payée, il ne dispose d’aucun recours contre ses codébiteurs. Si ceux-ci l’ont payée, ils disposent d’un recours contre lui »

De même, si la dette résulte de l’inexécution d’une obligation, la « charge en incombe à titre définitif à ceux auxquels l’inexécution est imputable » (Art.1219).

  1. Le régime des exceptions

Les exceptions opposables par les débiteurs sont définies par l’article 1315 :

« Le débiteur solidaire poursuivi par le créancier peut opposer les exceptions qui sont communes à tous les codébiteurs, telles que la nullité ou la résolution, et celles qui lui sont personnelles. Il ne peut opposer les exceptions qui sont personnelles à d’autres codébiteurs, telle que l’octroi d’un terme. Toutefois, lorsqu’une exception personnelle à un autre codébiteur éteint la part divise de celui-ci, notamment en cas de compensation ou de remise de dette, il peut s’en prévaloir pour la faire déduire du total de la dette. »

Au delà de la différence entre exceptions inhérentes à la créance et exceptions personnelles (déjà vue), il est une spécificité de la solidarité passive prévue à la fin de cet article : « lorsqu’une exception personnelle à un autre codébiteur éteint la part divise de celui-ci, notamment en cas de compensation ou de remise de dette, il peut s’en prévaloir pour la faire déduire du total de la dette. »1

Si l’exception implique une forme de paiement, comme la compensation, la confusion ou la remise de dette, alors celle-ci n’est faite qu’à hauteur de la quote-part due par le débiteur libéré. En somme, si X doit 100 à A et où A/B/C doivent solidairement 60 à X se résout comme suit : X devra 80 à A et B/C ne devront plus à X que 40.

  1. Effets procéduraux

La solidarité a des effets, dits « secondaires », sur divers aspects procéduraux :

  • les causes d’interruption de prescription bénéficient à tous les codébiteurs (Art.2245§1)2
  • « La demande d’intérêts formée contre l’un des débiteurs solidaires fait courir les intérêts à l’égard de tous. » (Art.1314)

Ainsi que d’autres effets dépassant le cadre du droit des obligations.

  1. L’obligation in solidum

L’obligation in solidum est « une obligation au tout, qui a lieu sans que les débiteurs ou la loi l’aient voulue » (Flour et al., t.3, p.431). C’est une création jurisprudentielle pouvant s’appliquer en matière délictuelle (Civ.2, 2 mars 2017, n°16-13.817) et contractuelle (Civ.1, 30 septembre 2015, n°14-10.870).

Les règles sont extrêmement proches de la solidarité passive. La dette peut être demandée intégralement à chaque débiteur, qui pourra se retourner contre les autres par subrogation. La charge finale de la dette suivra ces règles :

  • si aucune faute n’a été commise, la charge est répartie également entre les responsables
  • si un seul d’entre eux est fautif, il supporte l’intégralité de la charge
  • si plusieurs sont fautifs, ils supportent l’intégralité de la charge à proportion de leurs fautes respectives

Toutefois, les deux types d’obligations ne sont pas égales. Par exemple, pour la solidarité in solidum :

  • l’interruption de la prescription ainsi que la mise en demeure par un codébiteur ne vaut pas pour tous
  • La remise de dette de l’un des codébiteurs ne diminue pas la charge des autres

On dit qu’il n’y a pas les effets secondaires de la solidarité passive.

La solidarité active (entre créanciers)

La solidarité active lie plusieurs créanciers face à un débiteur. L’exemple classique est celui du compte joint : les titulaires peuvent tous demander paiement à la banque. Elle est définie par l’article 1311 :

« La solidarité entre créanciers permet à chacun d’eux d’exiger et de recevoir le paiement de toute la créance. Le paiement fait à l’un d’eux, qui en doit compte aux autres, libère le débiteur à l’égard de tous. »

Une interruption de prescription d’un des créanciers bénéficie à l’ensemble des créanciers (Art.1312) et chaque créancier ne disposant que de sa part, la remise de dette de l’un d’eux ne libère le débiteur qu’à hauteur de ladite part (Art.1350-1§2). Une fois le paiement réalisé, les créanciers disposent d’un recours contre celui qui a reçu le paiement pour se voir attribuer la part qui leur revient.

L’indivisibilité

Les obligations indivisibles sont prévues à l’article 1320 :

« Chacun des créanciers d’une obligation à prestation indivisible, par nature ou par contrat, peut en exiger et en recevoir le paiement intégral, sauf à rendre compte aux autres; mais il ne peut seul disposer de la créance ni recevoir le prix au lieu de la chose.

Chacun des débiteurs d’une telle obligation en est tenu pour le tout; mais il a ses recours en contribution contre les autres.

Il en va de même pour chacun des successeurs de ces créanciers et débiteurs. »

L’indivisibilité « produit donc le même effet principal que la solidarité » (Flour et al., t.3, p.344). La différence avec la solidarité réside dans les effets secondaires, comme l’interruption de prescription vis-à-vis de tous les codébiteurs/cocréanciers, dont les auteurs dirons qu’ils sont absents (Delebecque et Pansier, p.176) ou bien sujets d’hésitation (Flour et al., t.3, p.345).

1 Cette règle est reprise par l’article 1347-6§2 : « Le codébiteur solidaire peut se prévaloir de la compensation intervenue entre le créancier et l’un de ses coobligés pour faire déduire la part divise de celui-ci du total de la dette. »

2 Plusieurs auteurs généralisent « une mise en demeure adressée par le créancier à l’encontre d’un codébiteur vaut à l’égard des autres codébiteurs » (Delebecque et Pansier, t.3, p.159).