La responsabilité « générale » du fait d’autrui

La responsabilité générale du fait d’autrui est récente : elle a été découverte par l’arrêt Blieck du 29 mars 1991 (Plén., n°89-15.231) et repose sur le paragraphe 1 de l’article 1242.

Domaine d’application

On qualifie à tort cette responsabilité de « générale » : elle ne s’applique pas à tous les cas où un gardien accepte d’organiser et de contrôler à titre permanent le mode de vie de l’auteur du dommage.

Depuis l’arrêt du 29 juin 2007 (Plén., n°06-18.141) on distingue deux responsabilités d’autrui fondées sur l’article 1384 al.1  : celle desentités chargées d’organiser à titre permanent le mode de vie de certaines personnes et celle des associations sportives ou de loisir.

La prise en charge à titre permanent du mode de vie

Dans l’arrêt Blieck, cette responsabilité est définie comme l’acceptation par le gardien d’organiser et de contrôler à titre permanent (=constant) le mode de vie de l’auteur du dommage.

Toutefois, la jurisprudence a fortement limité ce principe : « Seule semble-t-il l’organisation d’une mesure de protection des mineurs (comme la tutelle) ou une décision judiciaire de placement autoriserait la mise en œuvre de la responsabilité d’une personne physique ou morale sur le fondement de l’article 1384, alinéa 1er » (Jourdain P., RTD Civ. 2012.321). Il s’agit donc d’une garde juridique, similaire à la cohabitation du régime de responsabilité des parents du fait de leurs enfants.

Exemples :

  • Une maison de retraite n’est pas responsable des actes d’une résidente âgée souffrant d’Alzheimer (Civ.1, 15 décembre 2011, n°10-25.740)
  • Une institution spécialisée n’est pas responsable des actes des mineurs placés par les parents (Civ.2, 12 mai 2005, n°03-17.994)
  • Une association à laquelle le juge des enfants avait confié un mineur est responsable de l’accident qu’il a causé alors qu’il était en vacance au domicile de ses parents (Civ.2, 6 juin 2002, n°00-12.014).

Les associations sportives

La responsabilité des associations sportives du fait de leurs adhérents a d’abord été posée par l’arrêt du 22 mai 1995 n°92-21.197, puis s’est étendue jusqu’à ce que l’arrêt du 29 juin 2007 (Plén., n°06-18.141) décide que « les associations sportives ayant pour mission d’organiser, de diriger et de contrôler l’activité de leurs membres, sont responsables des dommages qu’ils causent à cette occasion, dès lors qu’une faute caractérisée par une violation des règles du jeu est imputable à un ou plusieurs de leurs membres, même non identifiés ». Il s’agit du principe actuel.(D.2011.397)

Rappelons que les clubs peuvent être poursuivis comme commettants des actes de leurs joueurs professionnels. Le présent régime concerne donc surtout les clubs amateurs (Vial J-P., D.2011.397).

Des régimes en deux temps ?

Dans les deux cas, il faut que la personne « gardée » ait causé le dommage. Se pose la question maintenant : faut-il que l’auteur du dommage puisse être jugé responsable pour que gardien le soit ? Ce dernier pourra-t-il opposer à la victime les exceptions que l’auteur du dommage pourrait lui opposer ?

Pour les associations sportives, cela semble découler de l’énoncé même de la règle : l’origine du dommage doit être « une faute caractérisée par une violation des règles du jeu ». Cela correspond à la définition de la faute délictuelle en matière sportive.

Pour la gestion du mode de vie, la Cour de cassation a admis qu’une association doive indemniser les victimes d’un accident de la circulation au motif qu’un enfant gardé était le conducteur d’un véhicule impliqué (Civ.2, 22 mai 2003, n°01-15.311). Il s’agirait donc d’une responsabilité en deux temps : si la personne gardée est responsable, son gardien doit indemniser la victime.

Des responsabilités de plein droit

Ce régime est de plein droit, c’est-à-dire que « seules les causes générales d’exonération peuvent être invoquées, comme la faute de la victime, le fait d’un tiers ou la force majeure »1.

La responsabilité des instituteurs (et des artisans)

Art. 1242, §6 : Les instituteurs et les artisans, du dommage causé par leurs élèves et apprentis pendant le temps qu’ils sont sous leur surveillance.

Le présent article ne concerne plus que les instituteurs et les enseignants en général, les apprentis étant des préposés. Il concerne « ceux qui enseignent, mais aussi ceux qui participent indirectement à l’éducation », ce qui inclut les activités périscolaires organisées sous l’autorité de l’Administration (Malaurie et al., p.88). Il s’agit d’un régime marginal. Contrairement aux autres régimes de responsabilité du fait d’autrui, il faut ici démontrer une faute de la part de l’instituteur dans la surveillance des enfants (Art. 1242§8).

Notez que l’État se substitue à l’instituteur fautif. L’article L.911-4 du code de l’éducation prévoit en effet que ce dernier ne peut « jamais être mis en cause devant les tribunaux civils par la victime ou ses représentants ».

1 Répertoire civil Dalloz, « Responsabilité du fait d’autrui », §61