Le régime des TAV est une théorie « autonome, indépendante de la responsabilité fondée sur la faute, le fait d’autrui ou des choses et même de l’abus de droit ou des dommages causés à l’environnement » (Malaurie et al. p.71). À l’origine, il se rattachait aux articles 5441 et 1382 (anc.) du code civil. Ce fondement a été abandonné par l’arrêt du 19 novembre 1986 (Civ.2, n°84-16.379) au profit d’une sorte de principe général : « nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage »2. Il repose sur deux éléments :

  • une relation de voisinage
  • un trouble anormal s’inscrivant dans la durée

Une relation de voisinage

Un locataire est aussi un voisin : l’auteur de troubles anormaux du voisinage sera donc responsable vis-à-vis du locataire ET du propriétaire, même si ce dernier est absent (Civ.2, 28 juin 1995, n°93-12.681).

Un trouble anormal s’inscrivant dans la durée

La notion de trouble est très large. Par exemple :

  • le refus de réaliser les travaux préconisés par un expert judiciaire et ordonnés en référé suite à un glissement de terrain constitue un TAV pour la propriété en contrebas, empêchant sa propriétaire de réparer sa maison et l’exposant à un risque important en cas de pluies abondantes (Civ.3, 24 avril 2013, n°10-28.344)
  • les troubles causés par la décomposition du cadavre d’une personne âgée à l’appartement en dessous du sien sont un TAV à la charge du propriétaire de l’appartement de la défunte (l’héritière donc) (CA Paris, 28 janvier 2009, n°07/06322).

Le trouble doit s’inscrire dans la durée : un événement ponctuel isolé ne peut pas être un trouble anormal au sens du présent régime, même s’il implique la destruction de votre maison. Cela a été rappelé par un arrêt du 19 juin 2003 (Civ.2, 01-02.950) : « les dommages provoqués par un glissement de terrain provenant d’un fonds voisin ne peuvent être réparés que sur le fondement » de la responsabilité du fait des choses.

Exonérations

S’agissant des exonérations, on retrouve la faute de la victime, la « pré-occupation » et la force majeure.

La force majeure est théoriquement une source d’exonération (Civ.3, 10 décembre 2014, n°12-26.361), mais, en pratique, on voit difficilement comment elle pourrait être reconnue. En effet, les TAV supposent une anormalité durable, ce qui est difficilement compatible avec la force majeure (RTD Civ.2015.399).

L’article L.112-16 du code de la construction et de l’habitation nie aux propriétaires et locataires le droit de se plaindre « des nuisances dues à des activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales ou aéronautiques » postérieures à l’acte d’occupation (bail ou achat) du bien. On parle de pré-occupation.

Cette immunité est limitée au cas où ladite activité ne change pas depuis l’acte d’occupation et est conforme à la réglementation. En l’absence de réglementation non spécifique, la Cour de cassation (Civ.2, 10 juin 2004, n°03-10.434) a jugé que « l’anormalité redevient un facteur de responsabilité que la préoccupation ne suffira plus à écarter. » (RDI 2004 p.348)

Civ.2, 10 juin 2004, n°03-10.434 : Mme X acheta une maison à côté d’un club de golf. Sa propriété se révéla très exposée aux tirs provenant de ce dernier. La Cour de cassation a neutralisé l’effet de l’article L.112-16 sus-cité en raison de « l’absence de texte définissant les règles d’exploitation d’un terrain de golf autre que le règlement du lotissement qu’elle n’a pas dénaturé » et a reconnu l’existence d’un TAV, les inconvénients dépassant largement « ceux que l’on pouvait normalement attendre du voisinage d’un parcours de golf ».

1 « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. » (Civ.3, 4 février 1971 69-14.164)

2 Le Tourneau P., Répertoire civil Dalloz, « Responsabilité (en général) », §209