CA Poitiers, 4 avril 2016, n°16/00199, Xynthia

Cet article est cité dans la partie 1.6. sur les motifs d’exonération de responsabilité du manuel de droit des obligations.


Commentaire de l’arrêt CA Poitiers, 04 avril 2016, n°16/00199, sur l’affaire Xynthia

Dans la nuit du 27 au 28 février 2010, la tempête Xynthia déferla sur la Vendée et tua 29 personnes à La-Faute-sur-Mer. L’inondation de cette bourgade résultait de trois occurrences séparées : des vents très violents, une « surcote » importante et un coefficient de marée très élevé. Je vous passe les détails, ce qui nous intéresse est de savoir si la tempête avait été un événement de force majeure.

La Cour d’appel a répondu par la négative aux motifs que :

– Xynthia était d’une ampleur moindre que les tempêtes de 1999 (Lothar et Martin) et 2009 (Klaus).

– Les experts avaient estimé qu’une personne vivant 78 ans avait 4 % de chance de voir survenir un tel événement. Le juge retient qu’il s’agissait « d’une probabilité loin d’être négligeable »

– Les données (surcote, vent, marée) étaient connues avant le 27 février. En outre, le département était en alerte météorologique orange dès le milieu de matinée. Deux avis de très fortes vagues ont ensuite été émis, puis l’alerte est passée à rouge en milieu d’après-midi. Il a été repris par le bulletin Météo-France à 16h.

L’argumentation du juge d’appel est très discutable.

D’abord plusieurs éléments sont très tardifs, datant du jour même. On voit mal pourquoi évoquer le comportement du maire face au sinistre1 pour évaluer la force majeure concernant des fautes très antérieures. Ces éléments ne devraient pas concerner l’aspect de l’infraction portant sur les manquements aux obligations de préventions du maire.

De même, si la zone a bien connu d’importants épisodes de subversion au cours des XIXe et XXe siècles, ils étaient antérieurs à la construction/élévation de la digue. L’argument n’est donc pas pertinent, d’autant plus que même des tempêtes plus fortes (Lothar et Martin par exemple) n’ont pas entraîné d’inondations significatives.

On notera que le juge apprécie ici la force majeure de manière objective, pour tous les prévenus. Or, la prévisibilité devrait s’apprécier différemment pour la conseillère municipale, sur qui ne portait pas, entre autres, d’obligation de réagir face à l’intempérie. Cela se justifie sans doute par le fait que l’absence de force majeure était évidente et que le juge voulait faire au plus simple.

Ce cas illustre bien le flou autour de la force majeure et qu’il faut se méfier de l’énoncé ou de l’argumentation, qui peut davantage révéler la hâte du juge face à un argument éculé que la volonté de poser un principe.

1 Qualifier de fautive la réaction du maire semble assez clairement absurde. Encore à 17h, les pompiers étaient focalisés sur le risque de vents violents. Ce n’est qu’à 22h que le préfet a convoqué une réunion de crise … On demanderait donc à un maire d’être plus au courant que les services étatiques ?!

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