Com, 5 janvier 2016, n°14-19.584

Cet arrêt est cité dans la section 4.1.II sur les précontrats du manuel de droit des obligations.


Résumé de l’arrêt Com, 5 janvier 2016, n°14-19.584

Le 20 octobre 1994, des associés détenant la majorité des parts de la société X s’engagèrent envers les associés minoritaires par un pacte de préférence leur conférant un droit de priorité de rachat en cas de vente des titres1. En l’absence d’accord amiable, un expert devait fixer le prix.

En 2007, le bailleur du local de la société donna congé à cette dernière, suite à quoi les associés majoritaires cherchèrent à vendre leurs parts. Ils trouvèrent un acquéreur, la société Y, pour 7,5 millions d’euros. Ils proposèrent d’abord aux bénéficiaires du pacte de préférence. Ceux-ci ont refusé le prix convenu et des experts ont été désignés pour fixer le prix.

Cette procédure durant, une transaction a été conclue le 11 juillet 2008 entre le bailleur et le preneur, laquelle mettait fin au bail moyennant une indemnité d’éviction de 7 400 000 euros. C’est la société Y qui a repris le bail en payant un droit d’entrée de 7,5 millions d’euros. En somme, elle avait, de facto, repris le fonds de commerce. Les associés minoritaires ont assigné les associés majoritaires en responsabilité et en annulation de la transaction au motif que cette dernière violerait le pacte de préférence. Ceux-ci ont opposé la nullité du pacte de préférence pour indétermination du prix.

La Cour de cassation jugea que « les directives données aux tiers évaluateurs pour la fixation du prix étant insuffisamment définies et n’étant pas connues de l’ensemble des parties au jour de la conclusion du pacte, les tiers évaluateurs étaient tenus de faire application de critères qui n’étaient pas déterminés, de sorte que le prix n’était pas déterminable ».2

Le cédant ayant en plus perdu, par l’effet de ce contrat, la liberté de déterminer lui-même le prix de la cession, « la Cour d’appel a exactement déduit que la nullité de la stipulation relative à la fixation du prix affectait la convention en son entier ».

Cette solution est problématique : comment l’indéterminabilité du prix peut causer la nullité de l’entière convention, alors qu’elle n’est initialement pas une condition de validité du contrat (nous le verrons plus tard) ? A fortiori, elle ne devrait pas l’être du pré-contrat. C’est ce qu’a déjà affirmé la Cour de cassation (Civ.1, 6 juin 2001, n°98-20.673). Le présent arrêt n’est pas non plus un cas d’espèce, le juge reprenant une solution déjà affirmée le 6 novembre 2012 (Com., nº 11‐24.730).

J-B. Tap nous aide à concilier ces solutions en apparence contradictoires : « si la prévision du prix dans le pacte de préférence n’est pas une condition de validité, lorsque les parties auront fait usage de la faculté d’insérer une telle clause, pèse sur elles le risque de stigmate du vice d’indétermination » (RLDC, « Pacte de préférence prévoir, mais à quel prix ? », nº 139, 1er juillet 2016).

Cette interprétation est d’autant plus crédible que le juge relève bien qu’il n’y a eu aucune négociation pour déterminer le prix de vente et que « le cédant avait perdu, par l’effet de ce contrat, la liberté de déterminer lui-même le prix de la cession ». Reste à se demander pourquoi la nullité de la clause a emporté la nullité du pré-contrat … En outre, cet arrêt concerne la vente, un contrat spécial. Sa solution pourra-t-elle être généralisée aux autres pactes de préférence ? (même s’il semble que la vente soit le domaine de prédilection du présent pacte)

1 La formulation peut également s’interpréter au sens où l’engagement serait réciproque, mais ce n’est pas intéressant.

2 Une solution similaire avait été énoncée par Cass. com., 6 nov. 2012, nº 11‐24.730 : « les tiers évaluateurs étaient tenus de faire application de critères qui n’étaient pas déterminés, de sorte que le prix n’était pas déterminable ».

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