Plusieurs régimes sont proches de la responsabilité du fait des choses, sans être vraiment importants. Seul le régime des troubles anormaux du voisinage est notable. S’ils ont pu avoir une importance, les responsabilités du fait des animaux, des bâtiments ou des incendies sont aujourd’hui quasi-inexistantes, supplantées par la responsabilité générale du fait des choses.

Pour aller plus loin :

  • Malaurie et al., p.99-103 (sauf les troubles anormaux du voisinage)

I. Troubles anormaux du voisinage (TAV)

Le régime des TAV est assez spécifique : il ne se résume ni à un fait personnel ni au fait d’une chose. Par exemple, si vous invitez vos amis et que vous parlez trop fort, il s’agira bien d’un fait personnel ; à l’inverse, si vous avez un élevage de cochons dans votre jardin et qu’ils empestent le voisinage, il s’agira du fait d’une chose ; mais dans les deux cas, il s’agira d’un TAV. Je l’ai néanmoins placé ici, car il se rattache avant tout à l’occupation d’un immeuble.

Il s’agit bien d’une théorie « autonome, indépendante de la responsabilité fondée sur la faute, le fait d’autrui ou des choses et même de l’abus de droit ou des dommages causés à l’environnement » (Malaurie et al. p.71).

Le régime des troubles anormaux du voisinage

Le régime des troubles anormaux du voisinage est un régime autonome d’origine jurisprudentielle. À l’origine, il se rattachait aux articles 5441 et 1382 (anc.) du code civil. Ce fondement a été abandonné par l’arrêt du 19 novembre 1986 (Civ.2, n°84-16.379) au profit d’une sorte de principe général : « nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage »2.

Il repose sur deux éléments :

  • une relation de voisinage
  • un trouble anormal s’inscrivant dans la durée

S’agissant du voisinage, il n’y a pas de difficulté. Un locataire est aussi un voisin : un voisin peut donc être responsable au titre de troubles anormaux du voisinage vis-à-vis du locataire ET du propriétaire, même s’il est absent (Civ.2, 28 juin 1995, n°93-12.681).

C’est dans le trouble anormal que résident les principales difficultés du régime. Tout d’abord, il doit s’inscrire dans la durée : un événement ponctuel isolé ne peut pas être un trouble anormal au sens du présent régime, même s’il implique la destruction de votre maison. Cela a été rappelé par un arrêt du 19 juin 2003 (Civ.2, commenté) : « les dommages provoqués par un glissement de terrain provenant d’un fonds voisin ne peuvent être réparés que sur le fondement » de la responsabilité du fait des choses.

1 « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. » (Civ.3, 4 février 1971 69-14.164)

2 Le Tourneau P., Répertoire civil Dalloz, « Responsabilité (en général) », §209

Arrêts:

Les exonérations

S’agissant des exonérations, on trouve la faute de la victime, la pré-occupation et la force majeure.

L’article L.112-16 du code de la construction et de l’habitation nie aux propriétaires et locataires le droit de se plaindre « des nuisances dues à des activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales ou aéronautiques » postérieures à l’acte d’occupation (bail ou achat) du bien. On parle de pré-occupation1.

Cette immunité est limitée au cas où ladite activité n’a pas changé depuis l’acte d’occupation et est conforme à la réglementation. En l’absence de réglementation non spécifique, la Cour de cassation (Civ.2, 10 juin 2004, n°03-10.434) a jugé que « l’anormalité redevient un facteur de responsabilité que la préoccupation ne suffira plus à écarter. » (RDI 2004 p.348)

S’agissant de la force majeure, elle est clairement affirmée comme étant une source d’exonération (Civ.3, 10 décembre 2014, n°12-26.361), mais, en pratique, on voit difficilement comment elle pourrait être reconnue. En effet, les TAV supposent une anormalité durable, ce qui est difficilement compatible avec la force majeure (RTD Civ. 2015 p.399).

Enfin, je ne suis pas sûr de la place de la faute de la victime. A-t-elle un rôle de limitation de responsabilité ou aboutit-elle à nier l’anormalité du dommage ?

1 GAILLOT-MERCIER V., Répertoire civil Dalloz, Troubles de voisinage, §65 et s. ; Exemple d’exonérations d’une scierie : Civ.3, 27 avril 2000, n°98-18.836

Arrêts:

La responsabilité du fait des animaux.

La responsabilité du fait des animaux est régie par l’article 1243 : « Le propriétaire d’un animal, ou celui qui s’en sert, pendant qu’il est à son usage, est responsable du dommage que l’animal a causé, soit que l’animal fût sous sa garde, soit qu’il fût égaré ou échappé. »

On peut supposer que cette responsabilité s’attache à la propriété de l’animal. En réalité, le présent article « fonde une responsabilité sur l’obligation de garde, corrélative aux pouvoirs de direction, de contrôle et d’usage de l’animal » (Civ.2, 15 avril 2010, n°09-13.370). Comme en responsabilité du fait des choses, le propriétaire est présumé gardien jusqu’à ce qu’il prouve le transfert de garde (Civ.2, 21 mai 2015, commenté)1. Ce dernier est tout aussi restrictivement admis que dans le régime général.

Dans un arrêt du 15 avril 2010 (Civ.2, n°09-13.370), une jument avait été confiée à un couple pour une période déterminée. Au cours d’une ballade, l’équidé blessa la femme qui le promenait. La Cour de cassation refusa de juger qu’il y avait eu transfert de garde, au motif que le rôle de la victime « était limité à l’entretien courant de l’animal au sens de la nourriture, des soins quotidiens et des promenades, qu’elle ne s’était donc pas vue confier en permanence le cheval ». La propriétaire était donc restée gardienne et responsable des actions de la jument.

1 Dans le même sens : Malaurie et al., p.103

Arrêts:

La responsabilité du fait des bâtiments en ruine.

La responsabilité du fait des bâtiments en ruine est prévue par l’article 1244 : « Le propriétaire d’un bâtiment est responsable du dommage causé par sa ruine, lorsqu’elle est arrivée par une suite du défaut d’entretien ou par le vice de sa construction. »

L’application de ce régime suppose trois choses :

  • un dommage causé …
  • … par la ruine d’un bâtiment …
  • … lui-même dû à un défaut d’entretien ou un vice de sa construction.

La notion de bâtiment « s’entend d’une construction quelconque incorporée au sol de façon durable » (Civ.2, 19 octobre 2006, n°05-14.525).

Ce régime est une addition à la responsabilité du fait des choses. Par exemple, le juge a décidé (Civ.2, 22 octobre 2009, n°08-16.766) que « si l’article 1386 du code civil vise spécialement la ruine d’un bâtiment, les dommages qui n’ont pas été causés dans de telles circonstances peuvent néanmoins être réparés sur le fondement des dispositions de l’article 1384, alinéa 1er, du même code qui édictent une présomption de responsabilité du fait des choses ».

En d’autres termes, si les conditions du présent régime ne sont pas remplies, la victime peut encore poursuivre le gardien sur le fondement de la responsabilité des choses. Le seul intérêt est que ce régime s’attache à la propriété du bâtiment et non à sa garde. Il vient donc en plus pour protéger la victime, lui permettant de poursuivre le propriétaire non gardien.

Pour aller plus loin :

  • Desnoyer C., « La jurisprudence relative à l’articulation des articles 1386 et 1384, alinéa 1er, du code civil », RTD Civ. 2012 p.461
  • Terré et al., p.822-826
  • Jérôme Julien, 2014, Chapitre 2 – Responsabilités du fait des choses §8010 et s., in Droit de la responsabilité et des contrats, dirigé par P. le Tourneau, coll. « Dalloz action ».

La responsabilité du fait des incendies

La responsabilité du fait des incendies est régie par les alinéas 2 et 3 de l’article 1242 :

« §2 Toutefois, celui qui détient, à un titre quelconque, tout ou partie de l’immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance ne sera responsable, vis-à-vis des tiers, des dommages causés par cet incendie que s’il est prouvé qu’il doit être attribué à sa faute ou à la faute des personnes dont il est responsable.

§3 Cette disposition ne s’applique pas aux rapports entre propriétaires et locataires, qui demeurent régis par les articles 1733 et 1734 du code civil. »

Ce régime est plus exigeant que la responsabilité du fait des choses. Sa promulgation en 1922 avait justement eu pour objet de « soustraire au 1er alinéa la réparation de ces dommages »1. Étant défavorable aux les victimes, le juge apprécierait restrictivement son champ d’application.

Cet article a fait l’objet d’évolutions jurisprudentielles complexes2 et est d’une utilité très relative pour les examens (comme les 2 derniers régimes), nous irons donc vite. On dégage deux conditions déterminant l’application ou non de l’article :

  • la survenance d’un incendie (notez que cela exclut les feux volontaires : Civ.2, 17 décembre 1970, n°69-12.780)
  • la détention du bien dans lequel il a pris naissance (il est admis que ce terme désigne en fait la garde3)

Si elles sont remplies, le litige relève du présent régime. Il faudra alors démontrer, pour engager la responsabilité du défendeur :

  • la faute du détenteur ou des personnes dont il est responsable
  • le lien de causalité entre celle-ci et le dommage (légitime, personnel, etc.)

La faute de la victime (ex : Civ.2, 25 octobre 2007, n°06-15.839) et la force majeure sont des motifs d’exonération, au contraire du fait des tiers.

1 Jérôme Julien, 2014, Chapitre 2 – Responsabilités du fait des choses §7749, in Dalloz action Droit de la responsabilité et des contrats, dirigé par P. le Tourneau

2 Idem

3 Idem, §7751 ; Malaurie et al. p.114

Pour aller plus loin :

  • Jérôme Julien, 2014, Chapitre 2 – Responsabilités du fait des choses §7749 et s., in Droit de la responsabilité et des contrats, dirigé par P. le Tourneau, coll. « Dalloz action ».
  • Terré et al., p.826-828

Arrêts: