Alors que le gouvernement proposait de simplement ratifier l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations (que nous appellerons simplement réforme du droit des contrats), l’Assemblée Nationale (AN) et le Sénat lui apportent plusieurs modifications. Les débats sont encore en cours : au moment où j’écris ces lignes, le Sénat vient d’adopter un texte (différent de celui de l’AN) en seconde lecture. S’il reste plusieurs points objets de désaccords, plusieurs changements semblent déjà actés.

Je ne vous parlerai ici que des principales modifications auxquelles s’attendre. Celles-ci n’ayant pas d’effet rétroactif (les deux chambres sont d’accord sur ce point), il n’est pas indispensable de les apprendre. Toutefois, j’ai jugé que ce serait utile d’avoir une vue globale de ce qui va changer et vous pouvez être certains que quelques points du CRFPA 2018 porteront sur la loi de ratification (qui devrait avoir été promulguée). Nous n’en reparlerons pas dans le corps du texte, puisqu’il ne s’agit pas de droit positif.

I.Les modifications faisant consensus

L’AN, reprise par le Sénat, a proposé que « ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation. »

Le Sénat, repris par l’AN, permet au juge de prononcer, en cas d’abus dans la fixation du prix, non seulement l’attribution de dommages et intérêts, mais aussi la résolution du contrat.

Cette article, concernant la cession de contrat, prévoyait que si le cédant est libéré par le cédé, « les sûretés consenties par des tiers ne subsistent qu’avec leur accord. » L’AN a proposé d’étendre cette règle aux sûretés consenties par le cédant. Le Sénat a approuvé.

L’article 1221 empêche que le créancier d’une obligation inexécutée en demande l’exécution en nature « s’il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur et son intérêt pour le créancier. » Le Sénat, suivi par l’AN, souhaite subordonner cette règle à la bonne foi du débiteur.

L’AN propose d’imposer que la cession de dette soit, à peine de nullité, faite par écrit. Cela alignerait logiquement son régime sur celui de la cession de créance.

II.Les modifications discutées

L’article 1117§2 prévoyait que l’offre était caduque en cas d’incapacité ou de décès de son auteur. Le Sénat a rajouté le cas du décès du destinataire. L’AN semble s’y opposer.

L’ordonnance rédigeait l’article 1171§1 comme suit : « Dans un contrat d’adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. » Le Sénat souhaite limiter cette nullité aux seules clauses non négociables, déterminées à l’avance par l’une des parties. L’AN semble s’y opposer.

  • Art.1195§2 : Le pouvoir de révision du juge … ou pas

L’article 1195 permet à une partie, pour laquelle l’exécution du contrat serait devenue excessivement onéreuse en raison d’un changement de circonstances imprévisible, d’obliger l’autre à renégocier le contrat. En cas d’échec de ces négociations, l’ordonnance prévoyait qu’une partie pouvait demander au juge de mettre fin au contrat ou de le réviser. Ce pouvoir de révision, grande innovation, a été remis en question par le Sénat. L’AN, pour sa part, souhaite le maintenir.

Lorsque le débiteur originaire (cédant) est déchargé par le créancier dans le cadre d’une cession de dette, l’ordonnance prévoyait que les « sûretés consenties par des tiers ne subsistent qu’avec leur accord. » Le Sénat a proposé que cela s’étende aux sûretés consenties par le débiteur cédant. L’AN n’a pas suivi.