Le contrat est en principe consensuel, c’est-à-dire qu’il est formé par la seule rencontre des consentements. Ce principe est précisé par l’article 1113 :

Le contrat est formé par la rencontre d’une offre et d’une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s’engager.

Cette volonté peut résulter d’une déclaration ou d’un comportement non équivoque de son auteur.

Le cœur de ce principe est la définition de l’offre et de l’acceptation, la possibilité de leur rétractation et le moment/lieu de leur rencontre.

Je ne détaillerai pas les mécaniques de l’offre électroniques : le code civil est complet à leur sujet et je n’aurais rien à rajouter.

Pour aller plus loin :

  • Fages, p.85-95 ; Bénabent, p.66-75

Les caractéristiques de l’offre et de l’acceptation

On dégage essentiellement deux caractères à l’offre : la précision et la fermeté, ce que prévoit l’article 1114 :

« L’offre, faite à personne déterminée ou indéterminée, comprend les éléments essentiels du contrat envisagé et exprime la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation. À défaut, il y a seulement invitation à entrer en négociation. »

D’une part, l’offre doit être précise, c’est-à-dire comprendre les éléments essentiels du contrat envisagé. L’acceptant potentiel doit être capable de répondre simplement « oui » ou « non ». Par exemple, pour une vente, il s’agira de la chose et du prix (Art.1583).

D’autre part, elle doit être ferme (« exprime la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation »). Cela est donc exclu en présence de réserves touchant à la substance du contrat formé. Par exemple, si une offre est subordonnée à l’évaluation de la solvabilité de l’acheteur par l’offrant (comme ça peut être le cas s’agissant d’immobilier), elle n’est pas ferme.

À l’inverse, les réserves portant sur l’étendue de l’offre (« dans la limite des stocks disponibles » ou « jusqu’au 12 mars ») ne privent pas l’offre de fermeté. C’est également le cas de certaines conditions, comme la clause « sous réserve de l’acceptation à l’assurance des emprunteurs » pour l’obtention d’un prêt (Civ.3, 23 juin 2010, n°09-15.9631). Les réserves peuvent être tacites.

Si l’un de ces éléments manque, il ne s’agit pas d’une offre, mais d’une proposition à entrer en pourparlers.

L’acceptation doit être pure et simple. Elle est « la manifestation de volonté de son auteur d’être lié dans les termes de l’offre. » (Art.1118§1) Si elle fait autre chose que répondre « oui » à l’offre, il s’agit alors d’une contre-offre, qui continue la négociation au lieu de la terminer : « L’acceptation non conforme à l’offre est dépourvue d’effet, sauf à constituer une offre nouvelle. » (Art.1118§2)

1 Plus largement, il s’agit peut-être des conditions dépendant de la volonté de l’offrant.

Arrêts:

Le cas du silence

L’offre et l’acceptation peuvent être tacites. Ainsi, l’article 1113 prévoit que la volonté des parties « peut résulter d’une déclaration ou d’un comportement non équivoque de son auteur. » L’article 1120 précise dans quelles conditions le silence peut valoir acceptation :

« Le silence ne vaut pas acceptation, à moins qu’il n’en résulte autrement de la loi, des usages, des relations d’affaires ou de circonstances particulières. »

Ce principe, ancien1, est surtout important dans les relations entre professionnels, dont l’activité s’inscrit souvent dans un ensemble d’usages et dans une certaine continuité.

La volonté des contractants, qu’il s’agisse de l’offrant ou de l’acceptant, peut être tacite. L’exemple classique est l’arrêt du 2 décembre 1969 (Civ.1, n°68-12.439).

Une personne avait été blessée au moment où elle ouvrait la portière d’un taxi. La Cour de cassation a décidé « que le simple fait de laisser une voiture de place en stationnement dans un emplacement réservé, gaine du compteur non mise et chauffer au volant, constitue une offre ». Réciproquement, en ouvrant la portière, la victime avait accepté le contrat de transport. Ce dernier impliquant nécessairement une obligation de sécurité pour le passager, la compagnie de taxi était responsable.

À l’inverse, à propos d’un covoiturage, « l’existence d’un accord sur le partage des frais de voyage était insuffisant pour établir entre les parties un lien de nature à engendrer une responsabilité contractuelle liée à une obligation de sécurité à la charge du conducteur à l’égard de son passager » (Civ.1, 6 avril 1994, n°91-21.047)

Le juge semble présumer l’acceptation « lorsque l’offre est faite dans le seul intérêt du destinataire » (Malinvaud et al. p.104 ; idem Fages, p.91). Si cette opinion est largement partagée en doctrine, elle est aussi contestée (RDC 2011, n°3, p.789).

1 Civ., 25 mai 1870 ; Civ.1, 04 Juin 2009, n°08-14.481 …

Pour aller plus loin :

  • Civ.1, 24 mai 2005, n°02-15.188 (D.2006.1025, RTD civ. 2005.588), sur le silence valant acceptation

Arrêts:

La convention d’assistance

Cette problématique de l’expression des consentements est très présente s’agissant des « conventions d’assistance ». Le juge reconnaît parfois qu’une personne en aidant une autre contracte avec elle un contrat la protégeant des dommages qu’elle subirait dans son exécution (Civ.1, 11 mai 2017, commenté). Elle permet également de protéger l’assistant des dommages qu’il causerait à autrui (Civ.2, 10 mars 2004, n°03-11.034).

Le juge peut refuser de reconnaître l’existence d’une telle convention si l’intervention est inopportune1 (Civ.1, 7 avril 1998, n°96-19.171).

1 « intervention dont l’opportunité était douteuse, compte tenu de la spécificité des lieux exigeant de la précision dans les mouvements et, en cas de pluralité d’acteurs, une bonne coordination entre eux, laquelle n’a pu être organisée »

Pour aller plus loin :

  • Note 2 sous l’article 1101 du code civil Dalloz ; Malinvaud et al., p.46-47

Arrêts:

La portée de l’acceptation

L’acceptation est entendue restrictivement et ne porte que sur ce qui est sur le contrat ou les documents auxquels ce dernier renvoie. Il faut également que les clauses soient normalement lisibles. Par exemple, celles inscrites au verso ne sont pas réputées acceptées en l’absence de renvoi dans le corps du contrat (Com.2 juin 2015, n°14-10.014).

Il faut parfois se questionner sur la portée de l’acceptation lorsque l’offre est associée à des conditions générales. Il serait trop simple, si l’acceptation du contrat emportait mécaniquement leur acceptation, d’y dissimuler des stipulations modifiant l’équilibre contractuel. L’article 1119 prévoit ce cas de figure :

« Les conditions générales invoquées par une partie n’ont effet à l’égard de l’autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées.

En cas de discordance entre des conditions générales invoquées par l’une et l’autre des parties, les clauses incompatibles sont sans effet.

En cas de discordance entre des conditions générales et des conditions particulières, les secondes l’emportent sur les premières1. »

Cette exigence est appliquée strictement et le juge ne prendra pas en compte le fait que, dans le cadre de relations d’affaires de longue durée, la mention soit habituellement présente. Seul le contrat lui-même compte (Civ.1, 18 octobre 2005, n°03-18.467).

1 Solution déjà posée par la jurisprudence (ex : Civ.1, 9 février 1999, n°96-19.538 ; RTD civ. 1999. 836 ; Civ.2, 14 avril 2016, commenté …)

Pour aller plus loin :

  • Houtcieff, p.84 et s. ; Bénabent, p.73 ;

Arrêts:

Rétractation et caducité de l’offre et de l’acceptation

On peut synthétiser les règles de rétractation par la formule suivante : l’offre est en principe librement rétractable à condition de ne pas contredire les attentes légitimes des personnes la recevant.

Elle est libre tant qu’elle n’est pas parvenue à son destinataire (Art.1115). Ensuite, l’offre est encadrée par deux délais : un pendant lequel elle n’est pas rétractable et un au bout duquel elle est caduque. Le premier a pour objet de protéger l’acceptant et est prévu par l’article 1116 :

« Elle ne peut être rétractée avant l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, l’issue d’un délai raisonnable.

La rétractation de l’offre en violation de cette interdiction empêche la conclusion du contrat.

Elle engage la responsabilité extracontractuelle de son auteur dans les conditions du droit commun sans l’obliger à compenser la perte des avantages attendus du contrat. »

La nature contraignante de ce délai est très relative : non seulement il ne peut donner lieu qu’à une indemnisation (§2), mais en plus celle est réduite (§3).

Cette sanction du retrait illicite de l’offre est discutable, privant au fond d’efficacité le premier alinéa. Il faudra voir quel préjudice est indemnisable. Selon Andreu et Tomassin (p.111) il s’agirait du même préjudice que pour la rupture abusive des pourparlers.

Le second délai a pour objet de protéger l’offrant de l’oubli de son offre, qui n’exprimerait plus sa volonté de s’engager, mais son étourderie ou bien un événement (décès, maladie …). L’article 1117 issu de l’ordonnance prévoit donc :

« L’offre est caduque à l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, à l’issue d’un délai raisonnable. Elle l’est également en cas d’incapacité ou de décès de son auteur. »

Tous ces principes sont classiques1. Toutefois, l’article ne dit rien de la caducité en cas de la mort du destinataire, qui est pourtant la solution jurisprudentielle en tel cas (Civ. 1, 5 novembre 2008, n° 07-16.505 ; Pellier J-D., D.Actu, 30 avril 2018 ; dans le même sens :AJ Famille 2014.509 ).

Cet article a été modifié par la loi de ratification, qui précise à la fin de la seconde phrase : « ou de décès de son destinataire ». Au final on peut se demander si la solution variera, la formulation de l’ordonnance n’excluant pas que le décès du destinataire de l’offre entraîne sa caducité, et pourquoi ce changement n’a pas été rangé parmi les modifications interprétatives.

La faculté de rétractation de l’acceptation est relativement similaire à celle de l’offre. Ainsi, tant « que l’acceptation n’est pas parvenue à l’offrant, elle peut être librement rétractée, pourvu que la rétractation parvienne à l’offrant avant l’acceptation. » (Art.1118)

L’article 1127-1 §2 précise les conditions de rétractation de l’offre proposée sur un site internet : « L’auteur d’une offre reste engagé par elle tant qu’elle est accessible par voie électronique de son fait. »

Selon D.Houtcieff (p.89), cela permet « à l’offrant de rétracter la pollicitation de son site, quand bien même elle demeurerait accessible, par exemple par le biais du cache ou des archives d’un moteur de recherche »2. Il fait sans doute référence à des sites comme http://archive.org/web/, qui permettent d’accéder à une image d’un site à une date donnée.

1 Offrant tenu par le délai fixé (Ex : Civ.3, 7 mai 2008, n°17-11.690) ; Délai raisonnable de maintien de l’offre (Civ.3, 20 mai 2009, n°08-13.230) ; S’agissant de la sanction de la rétractation en violation du délai, la solution est incertaine, T.Genicon qualifiant la jurisprudence de « plutôt pauvre et hésitante » (RDC 2008, n°4, p.1109).

2 Dans le même sens, Malinvaud et al. p.114 écrivent qu’il « faut ici comprendre que l’offre tombe lorsque le professionnel la retire de son site ; il y a en quelques sortes caducité même si, pour des raisons techniques indépendantes du fait du professionnel, l’offre demeure accessible. » Idem Fages, p.95

Pour aller plus loin :

  • Grimaldi C., « La durée de l’offre », D.2013 p.2871
  • Genicon T., « Obligation de maintenir l’offre assortie d’un délai déterminé », RDC 2008, n°4, p.1109

Arrêts:

La date et le lieu de la formation

La date et le lieu de la formation du contrat ne posent pas de problème lorsque les cocontractants signent le contrat en personne. Il en va autrement lorsque le contrat est conclu à distance, « entre absents ». Faut-il retenir la date de l’expédition ou de la réception de la lettre ?

La solution est maintenant donnée par l’article 1121 : « Le contrat est conclu dès que l’acceptation parvient à l’offrant. Il est réputé l’être au lieu où l’acceptation est parvenue. » Cette règle est supplétive.

Le formalisme : entre preuve et validité

En principe, les contrats se forment par la seule rencontre des consentements (Art.1172§1). Toutefois, par « exception, la validité des contrats solennels est subordonnée à l’observation de formes déterminées par la loi à défaut de laquelle le contrat est nul, sauf possible régularisation. » (Art.1172§2) L’article 1173 vient ensuite préciser que «  Les formes exigées aux fins de preuve ou d’opposabilité sont sans effet sur la validité des contrats. »

Les exigences de forme sont-elles des conditions de validité ou non ? Certaines formalités ont pour seul objet de prouver l’acte ou de le rendre opposable et d’autres déterminent la validité du contrat (Malinvaud et al., p.269 ; Bénabent, p.103 ; etc.).

Par exemple, selon l’arrêt du 29 novembre 2000 (Civ.3, n°98-20.502) : « l’acte authentique n’était pas une condition de formation de la vente, mais une modalité de son exécution, dont la nonréalisation ne pouvait pas remettre en cause l’existence de la vente, mais seulement permettre à chaque partie, à l’expiration du délai pour la réalisation de l’acte authentique, d’agir en exécution forcée ou en résolution avec dommages et intérêts ».

Faites donc attention aux auteurs qui utilisent des formules ambiguës, voire absolument fausses :

  • « La forme s’analysant en un élément essentiel des contrats solennels, son absence est sanctionnée par la nullité […]. » (Terré et al., p.172)
  • « Lorsque la forme inobservée présente un caractère solennel, la nullité doit être en principe absolue. A l’inverse, si la forme vise à protéger l’un des contractant, la nullité est relative. » (Delebecque et Pansier, t.1, p.210)

Pour aller plus loin :

  • Malinvaud et al., p.267-274 ; Bénabent, p.103-107 ; Malaurie et al., p.305-320

Arrêts: