Les règles que nous allons vous présenter font partie des principes fondamentaux du droit de la responsabilité. Parmi les grandes difficultés que nous rencontrerons, on trouvera le préjudice corporel, les pertes de chance, le préjudice issu des avortements ratés ou empêchés du fait d’un mauvais diagnostic (le fameux cas Perruche), ou encore les préjudices par ricochet.

Pour aller plus loin :

  • Malaurie et al., p.143-162

Cette partie s’inscrit dans la partie sur les règles générales du droit des obligations de notre manuel de droit des obligations.

I. L’évaluation du préjudice et prédispositions

Le préjudice « doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties » (Ex : Crim., 18 février 2014, n°12-87.629). On parle de « principe de réparation intégrale ».

Ce principe implique que « La réparation doit replacer la victime dans l’état où elle se serait trouvée si son droit n’avait pas été violé. » (D.2001.492). Pour cela, le juge va en principe comparer différentes situations. C’est par exemple pour cette raison qu’une personne n’ayant pas été prévenue par son médecin des risques de l’opération ne sera pas indemnisée, si ceux-ci se réalisent, de la perte de chance de les avoir évités si le juge estime qu’elle aurait, de toute façon, choisi de la réaliser (Civ.1, 6 décembre 2007, n°06-19.301).

Ce principe interdit que soit réparé deux fois le même préjudice, ce qui sera souvent une question centrale en cas de dommage corporel. Apparemment simple, vous verrez que cette mécanique est d’une complexité redoutable.

Le dommage est évalué au jour de la décision : « si le droit pour la victime d’obtenir réparation du préjudice subi existe dès que le dommage a été causé, l’évaluation de ce préjudice doit être faite par le juge à la date où il se prononce » (Ex : Crim., 13 novembre 2013, n°12-84.838).

Les prédispositions

Il y a une problématique, à cheval entre celles du dommage et du lien de causalité (RCA 2006 n°12, comm. 361 ; RTD civ. 1998, p.123) : les prédispositions. Quel est exactement le dommage causé à un borgne qui perd son dernier œil ? Si vous faites tomber par inadvertance une personne atteinte de la maladie des os de verres, serez-vous responsable pour les fractures résultant de sa chute ?

Le cas du borgne a déjà été traité par la Cour de cassation (Civ.1, 28 octobre 1997, n°95-17.274). Une personne, aveugle d’un œil et myope de l’autre a perdu le second au cours d’une opération. La Cour d’appel avait pris en compte l’état antérieur pour diminuer l’évaluation du dommage. Son arrêt est cassé au motif que « l’accident n’a pas eu seulement pour effet d’aggraver une incapacité antérieure, mais a transformé radicalement la nature de l’invalidité ». Il y a un monde entre « mal voir » et « ne pas voir ». Dans un cas, l’individu est sérieusement gêné, mais reste autonome. Dans l’autre, la cécité totale lui fait découvrir une infinité de nouvelles difficultés : impossibilité de reconnaître la plupart des produits, de lire les notices ou les panneaux, etc. Dans le même genre, comparez l’inconvénient d’avoir un pied dans le plâtre et celui d’être en fauteuil roulant : c’est très différent.

Aujourd’hui, le principe adopté par la Cour de cassation est le suivant  : « le droit de la victime à obtenir l’indemnisation de son préjudice corporel ne saurait être réduit en raison d’une prédisposition pathologique lorsque l’affection qui en est issue n’a été provoquée ou révélée que par le fait dommageable » (Civ.2, 19 mai 2016, n°15-18.784).

Pour aller plus loin :

  • Fages, p.378-381
  • Hocquet-Berg S., « Dommages à la personne – Prédisposition de la victime », RCA 2016 n° 7-8, comm. 213

Arrêts:

Une obligation de limiter son dommage ?

Il est constant qu’en matière délictuelle, la victime n’est pas tenue de limiter son dommage (Civ.2, 19 juin 2003, n°00-22.302). Dans cet arrêt, une mère et sa fille avaient été victimes d’un accident de la circulation. Suite aux blessures subies, la mère ne peut plus exploiter son fonds de commerce, qui périclite. Les victimes demandent l’indemnisation du préjudice lié à la perte de ce fonds de commerce. La Cour d’appel a refusé d’indemniser ce préjudice économique au motif qu’il aurait davantage été causé par l’inaction des victimes suite à l’accident que par ce dernier. En somme, elle aurait dû demander à un tiers d’exploiter son fonds de commerce (D.2004.1346). L’arrêt est cassé, au motif que « l’auteur d’un accident doit en réparer toutes les conséquences dommageables ; que la victime n’est pas tenue de limiter son préjudice dans l’intérêt du responsable ». Ce principe est constant (ex : Civ.2, 28 mars 2015, commenté).

Il a également été appliqué en matière contractuelle, par exemple dans l’arrêt du 5 février 2013 (Civ.3, n°12-12.124) à propos de l’indemnisation de l’incendie d’un appartement. Le syndicat de copropriété avait des travaux à réaliser, mais ils n’ont pas été faits, empêchant le logement d’être loué pendant une certaine durée. La propriétaire lui a donc demandé réparation de cet inconvénient. Le syndicat lui opposait qu’en faisant elle-même des travaux très minimes, elle aurait pu disposer de son appartement beaucoup plus tôt. La Cour de cassation a rejeté cet argument, rappelant que « la victime n’est pas obligée de limiter son préjudice dans l’intérêt du responsable ».

Je n’ai pas trouvé de référence portant sur cette problématique dans les quasi-contrats. C’est probablement dû au fait que le régime des quasi-contrats n’a pas tant une logique d’indemnisation d’une victime, que de restitution de prestations indues. Ainsi, un gérant qui ne ferait aucun effort pour limiter le coût subit au titre de la gestion d’affaires n’augmenterait pas la somme qui pourra lui être reversée : le juge décidera que cette augmentation est fautive, voire qu’elle nie l’aspect intentionnel de la gestion d’affaires ou son utilité.

Arrêts:

II.Un dommage légitime, personnel, direct et certain.

Pour être indemnisable, il est constant qu’un préjudice doive être légitime, personnel, direct et certain. L’avant-dernier critère renvoie au lien de causalité, je ne précise pas.

Légitime

Pour être indemnisé, un préjudice doit avant tout être légitime. Cela empêche par exemple à ce qu’un joueur interdit de casino puisse demander la restitution de ses gains1. Même un préjudice reçu pendant la pratique d’une activité illégale peut être jugé légitime (Civ.1, 17 novembre 1993, commenté).

Cela ne veut pas dire que cette personne ne verra pas son préjudice amoindri ou nié du fait de la nature fautive de son activité. Par exemple, une personne ayant subi des blessures du fait d’une bagarre qu’elle avait initiée a vu son préjudice, bien que « légitime », annulé par sa faute. (Civ.2, 24 juin 1992, n°90-11.079)

Pour qu’un dommage soit qualifié d’illégitime, il faut un lien de causalité très fort entre l’illégitimité et le dommage. Ce n’est par exemple pas le cas entre le fait d’acheter de la drogue et le fait de se prendre une balle destinée au dealer (Civ.2, 2 février 1994, commenté). On peut conclure comme M.Brusorio-Aillaud (p.31) : « Ce n’est donc pas la situation de la victime qui doit être légitime, mais l’intérêt lésé. »

Cette dichotomie a été parfaitement illustrée par deux arrêts largement commentés relatifs à des personnes interdites de jeu parvenant néanmoins à jouer en casino. Alors que les gains ne peuvent être demandés (Civ.2, 22 février 2007, Casino de Trouville-sur-Mer, commenté), les pertes peuvent être restituées (Civ.2, 30 juin 2011, Casino de La Baule, commenté)2.

Le critère que nous étudions se rapproche de l’adage nemo auditur3, qui interdirait de se prévaloir de sa propre turpitude (=faute). Toutefois, celui-ci ne s’applique pas en responsabilité délictuelle (Civ.1, 17 novembre 1993, commenté ; Civ.1, 22 Juin 2004, n°01-17.258, les manuels sont unanimes4). Sa seule utilité est d’empêcher les restitutions suite à la disparition d’une relation contractuelle dans certains cas.

1Civ.2, 22 Fev. 2007, Casino de Trouville-sur-Mer, n°06-10.131 ; Civ.2, 30 juin 2011 n°10-30.838

2 Comme nous allons le voir, leur solution est assez complexe, mais cette difficulté dépasse leur apport à la notion de légitimité et concerne plutôt le contentieux spécial du jeu.

3 « Nemo auditur propriam turpitudinem allegans »

4 Ne vous laissez donc pas troubler par les arrêts qui laissent un doute, comme celui du 3 novembre 2004 (Civ.1, n°01-11.582).

Pour aller plus loin :

  • C.Gohen, « Conséquences de l’annulation d’un contrat de jeu », D.2007.2709 ; O.Penin, « Jeu et responsabilité délictuelle : la Cour de cassation piquée au coeur », D.2011.2448

Arrêts:

Personnel (préjudice par ricochet)

En principe, seule la personne qui a subi le dommage peut demander réparation du préjudice causé. Toutefois, ce dommage peut, lui-même, causer directement un autre dommage.

Par exemple, si une personne se fait tuer, ses proches en subiront un préjudice moral (deuil) et parfois matériel (enfants et conjoint du défunt, aux besoins desquels il ne pourra plus subvenir). On parle alors de préjudice par ricochet. S.Porchy-Simon1 le définit comme « celui subi par un tiers victime du fait d’un dommage initial dont est atteint une victime principale. »

Avoir des liens de droit ou de parenté avec la personne directement lésée n’est pas nécessaire pour se voir reconnaître un droit à indemnisation (Mixte, 27 février 1970, n°68-10.276, Dangereux). L’indemnisation des victimes par ricochet est subordonnée à l’indemnisation de la victime directe. Si la seconde n’est pas reconnue, la première non plus.

La faute de la victime principale est opposable à la victime par ricochet (Plén., 19 juin 1981, n°79-11.193). S’agissant des accidents de la circulation, la règle est clairement prévue par l’article 6 de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985.

Notons que cela complique les choses lorsque la victime meurt et que les victimes par ricochet sont aussi les héritiers. Il faut alors bien distinguer les deux préjudices, celui subi par le décédé et celui de l’héritier, même s’ils sont demandés par la même personne.

1 Jurisclasseur Lexis 360, Responsabilité civile et assurance

Pour aller plus loin :

  • Malaurie et al., p.62-64

Arrêts:

Certain (perte de chance)

Un dommage certain est immédiatement estimable. Ce critère n’exclut pas le dommage virtuel ou futur, qui est un préjudice qui ne s’est pas encore réalisé, mais dont la survenance est une certitude (Req., 1er juin 1932). Un bon exemple est l’incapacité de travail : le préjudice résultant de l’impossibilité de travailler est immédiatement estimable, il est donc certain. Un préjudice incertain est dit « éventuel ». C’est à ce moment en général qu’on parle de la perte de chance.

Si un avocat ne fait pas appel dans les délais impartis, doit-il indemniser son client de la chance qu’il lui a fait rater ? Il n’est pas certain qu’il l’aurait gagné. Néanmoins, il est certain qu’il lui a fait perdre une chance de le gagner.

Le juge admet donc que « constitue une perte de chance réparable, la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable » (Civ.1, 21 novembre 2006, n°05-15.674). Dans ce cas, le préjudice réside dans la perte de chance d’un événement profitable ou de l’évitement d’un dommage. Ce qui est indemnisé est donc une portion de ce dernier.

Par exemple, dans un arrêt du 19 mars 1997 (Civ.2, 94-19.249) une personne blessée lors d’une compétition sportive reprochait à l’organisateur de ne pas l’avoir informé de l’intérêt de souscrire une assurance. Le juge a admis la responsabilité de ce dernier. Toutefois, le préjudice indemnisable « consistait dans la perte d’une chance d’être assuré selon un contrat d’assurance de personne à garanties forfaitaires » et non pas dans l’intégralité des suites de ladite blessure (comme l’avait décidé l’arrêt de la Cour d’appel, qui a été cassé). La « perte d’une chance » d’éviter/d’occasionner un dommage/gain s’estime à un pourcentage de celui-ci.

Pour définir la perte de chance, le juge va voir quelles auraient été les alternatives. Par exemple, si un médecin faillit à son devoir d’informer son patient des risques des traitements qu’il lui prescrit, il n’y a pas de perte de chance s’il n’y avait pas d’alternative. C’est ce qu’a décidé un arrêt du 20 juin 2000 (Civ.1, n°98-23.046) portant sur un cas de complication d’opération. Le patient avait subi une coloscopie avec ablation d’un polype sans avoir été informé du risque de perforation intestinale. Un tel risque faisait partie des aléas médicaux, mais le défaut d’information était, lui, bien fautif. Toutefois, le juge a estimé qu’au vu des éléments du dossier, le patient aurait sans doute choisi l’opération s’il avait été informé, d’où l’absence de perte de chance.

Il y a eu récemment une controverse sur la question de savoir si une perte de chance, même minime (1 % par exemple), peut être indemnisée. La Cour de cassation jugeait d’abord que toute chance perdue était réparable. Puis, par des arrêts de 2014 et 2015, a limité l’indemnisation aux seules pertes d’une chance raisonnable (Civ.1, 30 avril 2014, n°12-22.567). Ces arrêts ont semé le trouble : signifiaient-ils qu’il fallait rejeter les pertes de chances minimes ? Ou bien était-ce simplement une façon de dire qu’il n’y avait pas (raisonnablement) eu de perte de chance ?

Les arrêts du 12 octobre (Civ.1, n°15-23.230) et 14 décembre 2016 reprenant la solution de 2013, on peut supposer qu’il s’agit de la seconde hypothèse et, comme J.Traullé (D.2017.46), « retenir qu’une perte de chance faible ou minime est indemnisable, à condition toutefois que la chance prétendument perdue ait raisonnablement existé ».

Pour aller plus loin :

  • Rapport annuel 2007 de la Cour de cassation, p.268 et s.
  • Traullé J., « La réparation de la perte de chance, entre clarification et interrogations persistantes », D.2017.46

Arrêts:

Naissance, préjudice et Perruche

Les préjudices relatifs aux naissances peuvent poser d’importantes difficultés, que ce soit relativement à la légitimité du dommage ou au lien de causalité. L’affaire Perruche en est sans doute la meilleure illustration.

Dans l’arrêt Perruche, la chambre plénière (17 novembre 2000, n°99-13.701) devait statuer sur le préjudice causé par l’erreur d’un médecin et d’un laboratoire n’ayant pas informé une femme enceinte des risques de handicap de l’enfant à naître. Le juge a décidé que dès lors que les défendeurs « avaient empêché celle-ci d’exercer son choix d’interrompre sa grossesse afin d’éviter la naissance d’un enfant atteint d’un handicap, ce dernier peut demander la réparation du préjudice résultant de ce handicap et causé par les fautes retenues ».

Je ne vais pas détailler le débat. Outre qu’il déborde d’élucubrations purement morales, il n’y a pas vraiment de consensus et les auteurs, même les meilleurs (D.2001.332 ; D.2001.492 ; D.2002.1314), sont d’une clarté très relative (ce qui s’explique par le fait que l’arrêt lui-même est ambigu). Retenez simplement que le handicap est réputé être causé par la faute des médecins ayant empêché la mère d’interrompre volontairement sa grossesse. Cela implique que si l’avortement est de toute façon impossible, il n’y a pas de responsabilité (Plén., 13 juillet 2001, n°97-17.359, 97-19.282 et 98-19.190).

C’est absurde, mais c’est comme ça1. L’idée que le handicap doive être indemnisé me semble pourtant défendable : pourquoi la Cour de cassation n’a pas, plutôt, indemnisé le dommage de la mère ? Passons.

Une loi « Anti-Perruche » est venue très vite (n°2002-303, 4 mars 2002) contrer cette jurisprudence. Le premier article de cette loi, repris par l’article L.114-5 du code de l’action sociale et des familles, pose que « Nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance ».

Cette loi permet tout de même aux parents de demander l’indemnisation de leur propre préjudice si le fait que le handicap ne soit pas décelé est une faute caractérisée du médecin. Toutefois, ce« préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l’enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale. »

Cette loi ne s’applique pas aux instances en cours au moment de son entrée en vigueur (CEDH, 6 octobre 2005, n°1513/03 ; CCons., 11 juin 2010, n°2010-2 QPC). La Cour de cassation est allée jusqu’à affirmer qu’elle ne s’appliquait pas aux dommages causés avant son entrée en vigueur (Civ.1, 30 octobre 2007, n°06-17.325).

1 Le corollaire de cette solution est qu’exister avec un handicap est une issue moins favorable que de ne pas exister … ce qui revient à dire qu’il faudrait dans leur intérêt tuer tous les bébés nés handicapés …

Pour aller plus loin :

  • Jourdain P., « L’indemnisation du préjudice de l’enfant né handicapé consacrée par l’Assemblée plénière », D.2001.332 ; Aynes A., « Préjudice de l’enfant né handicapé : la plainte de Job devant la Cour de cassation », D.2001.492 ; Mazeaud D., « L’enfant handicapé et les affres de la causalité : retour sur une histoire déjà ancienne… », D.2002.1314 ;
  • Jourdain P., « La réparation du préjudice moral de l’enfant né d’un viol ou l’esprit de la jurisprudence Perruche », RTD civ. 2011. 132 

Arrêts:

III. La nature du dommage

Le préjudice peut consister en un dommage matériel (la perte d’un membre, d’un droit, d’un objet … ; un manque à gagner) ou moral. Le dommage corporel, un peu à part, est sans doute ce qu’il y a de plus important à comprendre.

En effet, cette catégorie de dommage est spécifique, notamment parce que l’obligation de les réparer se prescrit au bout d’un délai deux fois plus long que le délai de droit commun (Art.2226 : 10 au lieu de 5). En outre, ses domaines d’application font partie des principaux thèmes du droit des obligations.

Pour aller plus loin :

  • Bénabent p.488 et s.

Le préjudice matériel ou moral

Le préjudice matériel consistera en la dégradation d’un bien, un manque à gagner, une perte monétaire, etc. Notez qu’un arrêt a récemment admis que « l’obligation pour le dirigeant de consacrer du temps et de l’énergie au traitement de procédures contentieuses au détriment de ses autres tâches de gestion et de développement de l’activité de la société cause un préjudice à cette dernière » (Com., 12 avril 2016, n°14-29.483). Cette solution semble nouvelle (RdS 2016.587).

Une question pose particulièrement problème : en cas de détérioration/destruction d’un bien, faut-il indemniser sa valeur de remplacement ou sa valeur vénale ? G.Viney synthétise le problème :

« Deux approches sensiblement différentes sont a priori concevables pour évaluer l’indemnité destinée à compenser les conséquences pécuniaires de la destruction ou de la détérioration d’un bien. Soit on s’attache à la perte subie par le patrimoine de la personne lésée et on est alors amené à fixer l’indemnité sur la base de la différence entre la valeur vénale du bien avant et après la survenance du dommage, soit, ayant égard à l’usage du bien, on envisage la question sous l’angle de sa remise en état ou de son remplacement et on se réfère alors au coût de cette opération. Dans le premier cas, on se borne à constater une perte de valeur patrimoniale et à l’estimer, alors que, dans le second, on alloue à la victime la somme nécessaire pour lui permettre de retrouver l’usage de son bien. »

RDC 2018, n°1, p.41

Si une chose a été endommagée, le responsable devra en principe payer sa valeur de remplacement sans que soit prise en compte sa vétusté (Malaurie et al., p.149-150). Un arrêt du 7 septembre 2017 (Civ.3, n°16-15.257) a récemment remis en question cette solution.

Un immeuble composé de plusieurs appartements avait été détruit par un incendie et les propriétaires demandaient à leur assurance de couvrir le dommage. Celle-ci ne leur accorda que 244 195 euros, correspondant à la valeur vénale de l’immeuble, alors qu’ils estimaient le coût de reconstruction à 1 132 959 euros.

La Cour de cassation donna raison à l’assureur au motif que « l’immeuble ne pouvait être reconstruit à l’identique en raison de la dangerosité de sa situation et du refus du maire d’accorder un permis de construire et […] qu’octroyer aux propriétaires une valeur de reconstruction à neuf dans un autre lieu leur procurerait un avantage indu puisqu’ils bénéficieraient d’un bien équivalent mais mieux situé ». La jurisprudence semble variable sur cette question (RDC 2018, n°1, p.41) et la motivation ne nous permet d’établir qu’une chose : la Cour a préféré indemniser la valeur vénale que la valeur de remplacement.

Toutefois, rien n’est dit sur la notion de valeur vénale. Comment est-elle estimée ? Faut-il prendre en compte sa valeur sur le marché immobilier ou les revenus économiques qu’il apporte ? Imaginez que l’immeuble comprenait une dizaine d’appartement et que ceux-ci étaient loués, en raison de circonstances spécifiques (ex : arrangements avec des institutions proches), alors même que la localisation était médiocre. Faudra-t-il retenir que le bien valait la somme nécessaire pour avoir un revenu similaire sur ce marché ? Ou bien simplement le prix de vente, qui serait donc largement moindre ? De même, imaginez que vous avez un immeuble très mal situé in abstracto, mais qui vous convient parfaitement. La valeur qu’il aura pour vous sera bien plus grande que celle qu’il aura sur le marché immobilier. Les problèmes posés par l’évaluation des dommages matériels me semblent infinis.

Le préjudice moral est le préjudice psychologique subi par la personne. Il « réside dans une atteinte à des valeurs non pécuniaires, c’est-à-dire à toutes formes de sentiments humains » (Bénabent, p.488). Il peut s’agir du chagrin de perdre un être cher comme de l’impact d’une diffamation sur la notoriété d’une personne, etc.

Parmi ce type de préjudice, on pourra compter par exemple le préjudice d’affection, par exemple dans le cas du décès d’un proche ou d’un animal (Civ.1, 16 janvier 1962) ou bien le préjudice sexuel (Civ.2, 17 juin 2010, n°09-15.842).

Pour aller plus loin :

  • Carval S., « Les préjudices économiques réparables : les réponses du droit de la responsabilité civile », LPA 2017, n°176 p.36 ; Faury D., « Identifier les préjudices économiques : quelles difficultés cette démarche pose-t-elle ? », LPA 2017, n°176 p.381
  • Viney G., « Recul de la réparation intégrale, fondée sur la valeur de reconstruction, en cas de destruction d’un immeuble », RDC 2018, n°1, p.41
  • Dinparast E., « Une embauche récente impacte tous les préjudices professionnels », Gaz.Pal., n°38, p.60 ; Bernfeld C.,« Le préjudice juvénile est inclus dans le déficit fonctionnel temporaire », Gaz.Pal., n°38, p.64 ; Bernfeld C., « Incidence professionnelle d’une victime incapable de travailler », Gaz.Pal., n°38, p.68

1 Tout le numéro est consacré au préjudice économique, toutefois ce sont les seuls articles qui m’ont semblé vraiment intéressants et utiles pour le droit des obligation.

Arrêts

Préjudice corporel : une catégorie performatrice

Le préjudice corporel résulte d’une atteinte à l’intégrité physique d’un individu. C’est un préjudice vraiment à part, entraînant des conséquences pratiques importantes. Nous l’étudierons donc particulièrement en détail.

Pour donner une référence commune des préjudices indemnisables a été créée la « nomenclature Dintilhac », du nom du directeur du groupe de travail l’ayant élaborée en 2005. Elle n’est pas simple, mais il est impératif de la connaître un minimum pour le CRFPA. La connaître par cœur ne semble pas absurde (et pas si compliqué).

Sa portée juridique est discutable. D’un côté elle s’affirme comme n’étant ni contraignante ni exhaustive et M.Bacache a pu écrire que la Cour de cassation « n’accueille pas les moyens invoquant en tant que telle la méconnaissance de la nomenclature »1 . De l’autre, elle est reconnue unanimement comme étant la norme, même si la Cour de cassation peut s’en écarter : « En comparant les écarts et les ralliements, il y a tout lieu de constater que la divergence entre la jurisprudence de la Cour de cassation et la nomenclature Dintilhac est minime. » (RLDC 2017, nº147) Globalement, vous pouvez retenir qu’elle est la norme et, dans les cas pratiques, la citer comme telle.

Vous croiserez régulièrement le terme de consolidation. Le rapport Dintilhac la définit ainsi : « la date de consolidation de la victime s’entend de la date de stabilisation de ses blessures constatée médicalement. » (p.29)

L’ensemble est séparé selon qu’il s’agisse de la victime directe ou par ricochet. Les différents préjudices sont distingués en premier lieu par leur nature patrimoniale ou extrapatrimonial. Ils sont ensuite distingués selon qu’ils soient temporaires ou permanent (avant ou après consolidation donc). Un peu à part, on trouve les préjudices liés à des pathologies évolutives, extrapatrimonial hors consolidation.

1 Bacache M., « La nomenclature : une norme ? », Gazette du Palais, 27/12/2014, n°361, p.7

  • Victime directe

Parmi les préjudices patrimoniaux avant consolidation, on trouvera les dépenses de santé actuelles, frais divers, pertes de gains professionnels actuels.

Parmi les préjudices patrimoniaux permanents, on distingue les dépenses de santé futures, les frais de logement adapté (Civ.2, 3 mars 2016, commenté), les frais de véhicule adapté (Civ.1, 17 mars 2016, n°15-13.865), l’assistance par tierce personne, les pertes de gains professionnels futurs (Crim., 18 février 2014, n°12-87.629), l’incidence professionnelle et le préjudice scolaire, universitaire ou de formation (Civ.2, 9 avril 2009, n°08-15.977).

Les préjudices extrapatrimoniaux temporaires comprennent le déficit fonctionnel temporaire, les souffrances endurées et le préjudice esthétique temporaire.

Sont des préjudices extrapatrimoniaux permanents le déficit fonctionnel permanent, le préjudice d’agrément (Civ.2, 28 février 2013, commenté), le préjudice esthétique permanent, le préjudice sexuel, le préjudice d’établissement (Civ. 2, 15 Janvier 2015, commenté) et les préjudices permanents exceptionnels, dont le préjudice de contamination1 (Civ.2, 22 novembre 2012, n°11-21.031).

Notez que la perte d’espérance de vie n’est pas indemnisable (Civ.2, 20 octobre 2016, n°14-28.866).

Il arrive que le juge rajoute des préjudices à la nomenclature. Ainsi du préjudice d’angoisse de mort imminente résultant « la souffrance psychique résultant d’un état de conscience suffisant pour envisager sa propre fin », que nous venons de commenter avec l’arrêt du 2 février 2017 (Civ.2, commenté).

Récemment, la jurisprudence a créé le préjudice d’impréparation. Il s’agit d’un préjudice moral subi lorsqu’un médecin ne remplit pas son obligation d’information et empêche ainsi le patient d’être préparé aux conséquences d’un acte médical risqué. Il est indépendant de la perte de chance d’avoir refusé d’accomplir l’acte risqué (le préjudice usuellement indemnisé dans ce cas). Il suppose que le risque se soit réalisé (Civ.1, 23 janvier 2014, n°12-22.123 ; Civ.1, 25 janvier 2017, n°15-27.898). Je ne suis pas sûr qu’il se distingue du poste temporaire « souffrances endurées ».

Enfin, le préjudice d’anxiété a été reconnu par la chambre sociale. Il s’agit d’un préjudice moral « résultant pour un salarié du risque de développer une maladie induite par son exposition à l’amiante » (Ex : Soc., 10 février 2016, n°14-26.909 ; Soc., 26 avril 2017, n°15-19.037). Cette solution est propre au contentieux de l’amiante2.

  • Victime par ricochet

Pour les victimes par ricochet, il faut distinguer selon que la victime directe soit morte ou non. En cas de survie de la victime, les préjudices patrimoniaux par ricochet seront les pertes de revenu et les frais divers des proches. Les préjudices extra-patrimoniaux seront le préjudice d’affection et les préjudices extra-patrimoniaux exceptionnels.

En cas de décès de la victime, il faudra y rajouter les frais d’obsèques et, à la place des préjudices extra-patrimoniaux exceptionnels, le préjudice d’accompagnement.

Illustrer tous les préjudices de la nomenclature serait trop fastidieux et le rapport Dintilhac (p.31 et s.) les détaille déjà parfaitement. Vous trouverez également de très nombreux exemples dans l’article d’Aurélie Coviaux (AJ pénal 2017.8).

1 Il « est un préjudice exceptionnel extrapatrimonial qui est caractérisé par l’ensemble des préjudices tant physiques que psychiques résultant notamment de la réduction de l’espérance de vie, des perturbations de la vie sociale, familiale et sexuelle ainsi que des souffrances et de leur crainte, du préjudice esthétique et d’agrément ainsi que de toutes les affections opportunes consécutives à la déclaration de la maladie ». Le « caractère exceptionnel de ce préjudice est intrinsèquement associé à la prise de conscience des effets spécifiques de la contamination »

2 Son indemnisation « n’est ouverte qu’au salarié qui a travaillé dans l’un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi n°98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l’amiante ou des matériaux contenant de l’amiante » (Soc., 26 avr. 2017, n°15-19.037).

Pour aller plus loin :

  • Le rapport DINTILHAC, Juillet 2005 (que vous pouvez trouver sur le site du ministère des affaires sociales et de la santé1)
  • Adida-Canac H., « Le contrôle de la nomenclature Dintilhac par la Cour de cassation », D.2011.1497 ; « Autour de la nomenclature Dintilhac (dossier) », Gazette du palais 2014, n°361 ; Coviaux A., « La nomenclature Dintilhac, la belle aubaine ! », AJ pénal 2017.8 ;Cousin C., « Les nomenclatures des préjudices corporels : comment ressusciter l’esprit du rapport Dintilhac ? », RLDC 2017, nº147 
  • Bacache M., « Dommage corporel », D.2016.2187 ; « Nouveaux postes de préjudices pour les victimes d’attentats », D.2017.2200 ; « Nouveau préjudice moral pour l’enfant conçu au jour du décès accidentel de son père », D.2018.386
  • Hacene A., « Préjudice d’agrément : la seule limitation de la pratique antérieure d’une activité peut suffire » ; D.Actu, 20 avril 2018

1 http://social-sante.gouv.fr/ministere/acteurs/partenaires/article/nomenclature-des-postes-de-prejudices-rapport-de-m-dintilhac ; Consulté le 04/04/2017

Arrêts:

Un risque ?

Un risque de dommage doit-il être traité comme un dommage indemnisable ? Plusieurs auteurs semblent l’affirmer dans leurs parties sur le préjudice :

  • P.Le Tourneau (répertoire civil Dalloz, « responsabilité », §20) écrit que le risque est indemnisable « dès lors qu’il porte en lui-même les conditions de sa réalisation ».
  • Fages (p.319) écrit que « l’on admet parfois qu’un simple risque puisse être à lui seul source de préjudice ».
  • Brusorio-Aillaud (p.39) affirme, dans sa partie sur le préjudice, que certains arrêts ont admis en matière de trouble anormal du voisinage qu’un « simple risque peut fonder une action en dommages et intérêts ».
  • O.Deshayes écrit que « la Cour de cassation a accepté de mettre en jeu la responsabilité civile délictuelle d’une personne qui avait simplement créé un risque de dommage » (RDC 2009, n°1, p.77).
  • Encore plus explicite, Terré et al. Écrivent : « En d’autres termes, le risque de dommage, s’il est suffisant, équivaut à un dommage certain et non éventuel. » (p.756)

Aucun des arrêts cités au soutien de ces allégations n’est rarement pertinent. Par exemple, Deshayes, Le Tourneau et Fages vont citer l’arrêt du 28 novembre 2007 (Civ.1, n°06-19.405) qui admet que soit indemnisée une commune ayant réalisé des travaux pour stabiliser un rocher sis sur une propriété privée menaçant une route. Où voient-il un risque comme dommage ? Le dommage est le prix des travaux et la faute la carence du propriétaire. Le risque n’a été que le déclencheur de l’action de la commune.

Brusorio-Aillaud et Fages citent l’arrêt du 10 juin 2004 (Civ.2, n°03-10.434) qu’un parcours de golf causait un trouble anormal du voisinage du fait de l’exposition des habitants d’une maison à « la menace constante d’une projection de balles ». Or, le préjudice ne résidait pas dans le risque, mais dans la crainte qu’une balle de golf heurte la maison ou ses occupants. Dans ces deux espèces, le risque est transparent, un simple lien causal. On retrouve beaucoup cette méprise.

Fages, Terré et al. font référence au litige sur les sondes cardiaques défectueuses (Civ.1, 19 décembre 2006, n°05-15719). Après que des sondes du même modèle se soit révélées défectueuses, une personne avait fait changer la sienne et demandé l’indemnisation de ce changement au producteur. La Cour de cassation refuse aux motifs que le demandeur ne prouvait pas l’insuffisance de la surveillance qui avait spécialement été mise en place et que le risque de défectuosité ne s’étant pas réalisé, le préjudice était éventuel. La formulation va effectivement dans le sens de l’assimilation du risque au préjudice … mais elle n’a ici aucun sens. Le préjudice résultant du changement de sonde s’était réalisé. Le problème juridique portait en réalité sur la nature défectueuse de la sonde, ce qu’a prouvé l’arrêt du 5 mars 2015 (CJUE, C-503/13)1. Encore une fois, l’exemple ne justifie pas qu’on puisse assimiler le risque à un préjudice.

Au contraire, lorsque Malaurie et al. parlent du risque, c’est dans la partie relative aux faits générateurs de responsabilité et pour préciser qu’il n’est pas autonome, mais « a besoin d’un relai », qu’il s’agisse d’un régime spécial ou d’une faute (p.49-50). Cela traduit exactement les solutions dont nous venons de parler.

La question est complexe et peu utile pour le CRFPA, je ne vais donc pas plus dans le détail. Je ne pense pas que cette question tombe à un examen, mais ces confusions peuvent troubler votre compréhension globale du droit des obligations. Il était donc important d’approfondir le sujet. Retenez donc que non, le risque n’est pas un préjudice, même si certains manuels l’affirment.

1 Cet arrêt place non seulement la question du risque sur le plan de la défectuosité, mais en plus donne une solution contraire à l’arrêt de 2006, admettant l’indemnisation des changements de sonde. La solution de 2006 est donc non seulement inexacte dans sa formulation, mais également obsolète dans ses conséquences.

Pour aller plus loin :

  • Jourdain P., « Risque, troubles du voisinage et force majeure, une cohabitation difficile », RTD civ. 2015.399 ; Jourdain P., « Le manquement au devoir de conseil du notaire sanctionné par la réparation intégrale du préjudice subi », RTD Civ. 2014.893
  • Malaurie et al., p.49-53

Arrêts:

Le préjudice écologique

Le préjudice écologique a d’abord été reconnu par le juge avec l’arrêt Erika (Crim., 25 septembre 2012, n°10-82.938)1 avant d’être consacré dans le code civil par la loi n°2016-1097 du 8 août 2016. Il est maintenant encadré par les articles 1246 à 1252 du code civil.

Le préjudice écologique est défini comme « consistant en une atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement. » (Art.1247) Toute personne étant responsable d’un tel préjudice est tenue de le réparer, il s’agit d’un régime de responsabilité sans faute (Art.1246).

L’une des principales difficultés de ce régime a toujours été la personnalité du dommage : qui a subi le dommage ? Qui peut s’en prévaloir ? La réponse se trouve maintenant à l’article 1248 :

« L’action en réparation du préjudice écologique est ouverte à toute personne ayant qualité et intérêt à agir, telle que l’État, l’Agence française pour la biodiversité, les collectivités territoriales et leurs groupements dont le territoire est concerné, ainsi que les établissements publics et les associations agréées ou créées depuis au moins cinq ans à la date d’introduction de l’instance qui ont pour objet la protection de la nature et la défense de l’environnement. »

L’article 1249 prévoit que « La réparation du préjudice écologique s’effectue par priorité en nature. » Ce n’est que si c’est impossible, en droit ou en fait, ou bien si les mesures de réparation sont insuffisantes que le juge pourra allouer des dommages et intérêts (Art.1249§2).

Même dans cette hypothèse, l’indemnisation ne pourra pas être employée librement. L’article 1249§2 impose qu’elle soit affectée « à la réparation de l’environnement, au demandeur ou, si celui-ci ne peut prendre les mesures utiles à cette fin, à l’État. » Il s’agit ici de limiter l’opportunisme.

Dans le même sens, l’article 1250 prévoit que  :

« En cas d’astreinte, celle-ci est liquidée par le juge au profit du demandeur, qui l’affecte à la réparation de l’environnement ou, si le demandeur ne peut prendre les mesures utiles à cette fin, au profit de l’État, qui l’affecte à cette même fin. »

Cette indemnité risquerait de recouper, entre autres, la réparation prévue aux articles L.160-1 et s. du code de l’environnement, qui prévoient « les conditions dans lesquelles sont prévenus ou réparés, en application du principe pollueur-payeur et à un coût raisonnable pour la société, les dommages causés à l’environnement par l’activité d’un exploitant. » C’est pour cela que l’article 1249§3 prévoit que « l‘évaluation du préjudice tient compte, le cas échéant, des mesures de réparation déjà intervenues ».

Le régime favorise la prévention du dommage. Ainsi, pourra être indemnisé l’organisme qui expose des dépenses pour prévenir la réalisation imminente d’un dommage, pour éviter son aggravation ou pour en réduire les conséquences (Art.1251). Dans le cadre de la présente action, le juge peut, indépendamment de la réparation du préjudice écologique, « prescrire les mesures raisonnables propres à prévenir ou faire cesser le dommage. » (Art.1252) Je ne suis pas sûr que ce dernier article ajoute au droit commun (Malinvaud et al., p.444).

Notez que l’action en indemnisation du préjudice écologique « se prescrit par dix ans à compter du jour où le titulaire de l’action a connu ou aurait dû connaître la manifestation du préjudice écologique. » (Art.2226-1)

Il s’agit d’un sujet très complexe, qui supposerait, pour être approfondi, de plonger dans le droit de l’environnement, ce que nous ne souhaitons pas faire ici.

1 « Pendant longtemps, le préjudice écologique n’a pas été défini par les juges qui, lorsqu’ils le prenaient en compte, le diluaient dans la catégorie fourre-tout du préjudice moral afin de contourner l’obstacle de l’exigence de préjudice personnel. » (D.2017.924)

Pour aller plus loin :

  • Malinvaud et al., p.442-445 ; Jurisclasseur, « Responsabilité civile et Assurances », fasc. 112, Le préjudice écologique, n°6 s.
  • Neyret L., « La consécration du préjudice écologique dans le code civil », D.2017.924

Arrêts: